Lectures pour l'été 2015 - Poches - Histoire

 

WaterlooWaterloo. Acteurs, historiens, écrivains

Cette riche anthologie de près de neuf cents pages entend montrer comment la bataille de Waterloo, dont on célèbre le bicentenaire en juin, a généré une prodigieuse production littéraire de la part d’acteurs du conflit, d’historiens et d’écrivains. Elle s’ouvre, noblesse oblige, par un texte de Napoléon lui-même écrit en 1820, Mémoire pour servir l’histoire de France en 1815, suivi du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases et du Rapport officiel de la bataille de Waterloo rédigé par son vainqueur, le Duc de Wellington. Comme historiens, figurent Edgar Quinet, Adolphe Thiers ou François Guizot, et comme biographes Walter Scott, Dumas ou Chateaubriand. Les romanciers, auteurs dramatiques et poètes, sont représentés par Balzac, Stendhal, Hugo, Conan Doyle, Byron, Nerval ou encore Hugo. Quoi de plus normal après tout? Dans sa préface, Patrice Gueniffey, à la suite d’autres auteurs, remarque en effet que «Napoléon aimait le pouvoir en artiste. Le pouvoir et la politique, la guerre aussi, lui furent ce que la page blanche avait été pour Dante et le marbre pour Michel-Ange: la matière vivante, qu’il travaillait pour réinventer le monde et forger son propre destin». (Folio Histoire)

 

JauresAinsi nous parle Jean Jaurès

C’est devenu un lieu commun, aujourd’hui, pour un homme politique français, de quelque bord qu’il soit, de citer Jean Jaurès. Et à son sujet, une question lancinante revient sans cesse: assassiné le 31 juillet 1914, à la veille du déclanchement d’une guerre qu’il combattait, quelle position le fondateur de L’Humanité aurait-il adoptée s’il avait vécu? S’il n’apporte pas de réponse, évidemment, cet ouvrage vient replacer le tribun socialiste dans le texte en reprenant une trentaine de ses discours, présentés et replacés dans leur contexte par Marion Fontaine. Dans le premier, publié en 1988, alors qu’il est député depuis trois ans, il s’inquiète de l’hésitation que semble montrer «le mouvement de démocratie» en matière de revendications sociales, se demandant si sa génération «verra la justice». Le dernier, prononcé le 25 juillet à Vaise, près de Lyon, témoigne de son inquiétude, «sans vouloir forcer les couleurs sombres du tableau», une demi-heure après la rupture diplomatique entre l’Autriche et la Russie. Entre les deux, il manifeste son engagement dreyfusard (ce qui lui coûte son poste de député), il ferraille avec Clémenceau qui a employé la force contre les mineurs en grève suite à la catastrophe de Courrières, il défend le droit des femmes à l’égalité, dénonce la misère ouvrière ou prône l’application de la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat. (Pluriel)

 

JuillardJacques Julliard & Grégoire Franconi, Les gauches françaises 1762-2012

En 1762, Rousseau publie Du Contrat social ou Principes du droit politique. En 2012, François Hollande est élu président de la République. Entre les deux: Voltaire, Robespierre, Hugo, Gambetta, Jaurès, Blum, Thorez, Mendes-France, Mitterrand. Mais aussi Badinter demandant l’abolition de la peine de mort, la condition ouvrière décrite par Simone Weill, le Manifeste des 121 pendant la Guerre d’Algérie, le théâtre selon Vilar, la révolte selon Camus. Des uns et des autres, des hommes politiques, des philosophes, des écrivains, des artistes, des «anonymes» comme on dit dans les médias, cet ouvrage reprend les grands discours. Avec ce livre ample et ambitieux, divisé en «moments forts» de l’histoire des quatre gauches françaises - libérale, jacobine, collectiviste, libertaire -, Jacques Julliard, journaliste au Nouvel Obs puis à Marianne (auteur de l’édition grand format), rejoint par l’universitaire Grégoire Franconi, vient magnifiquement combler un vide éditorial. (Champs Histoire)

 

 

CointetJean-Paul Cointet, Sigmaringen

Sigmaringen se situe dans le Bade-Wurtemberg, un Land du sud de l’Allemagne à quelque 170 km de la frontière française. C’est là que, sur décision d’Hitler, le gouvernement de Vichy est envoyé en septembre 1944. Il va y rester jusqu’en avril 1945. S’y réfugient également de nombreux collabos et miliciens avec leurs familles, soit quelque deux mille Français qui vont souffrir du froid et de la faim – l’hiver sera très rude. Tels Céline et sa compagne Lucette (plus leur chat Bébert) en transit vers la Suisse, espèrent-ils. L’auteur de Voyage au bout de la nuit est l’un de deux seuls médecins de la ville qui s’étend en contrebas du château dont ses propriétaires, les Hohenzollern, ont été chassés et remplacés par Pétain, Laval, Doriot ou Déat qui se détestent. Le lieu jouit d’un statut d’extraterritorialité et accueille les ambassadeurs d’Allemagne (Otto Abetz), du Japon et d’Italie. Et il est également occupé par la gestapo. Se considérant prisonnier, le vieux maréchal boude, n’adressant plus la parole à personne. Et les autres veulent tous prendre la main sur ce «gouvernement en exil» pompeusement intitulé Commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux et présidé par l’ancien journaliste Fernand de Brinon. Dans l’espoir de récupérer les reines de la France, ce que l’offensive des Ardennes peut un temps laisser espérer. A défaut, ils seront malgré eux des otages de luxe. Ce livre, fondé sur des archives, des témoignages ou souvenirs, raconte l’histoire de ce «royaume de pacotille», entre Shakespeare et Feydeau. (Tempus)

 

Michel Paquot
Juin 2015

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant

 

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