Lectures pour l'été 2015 - Poches - Polars et thrillers

CohenThierry Cohen, Je n’étais qu’un fou

Si un jour, vous recevez un mail de votre homonyme vous affirmant être vous-même vingt ans plus tard, comment réagiriez-vous? Intrigué, dubitatif, Samuel Sanderson apprécie d’autant moins cette incursion dans sa vie privée que son interlocuteur l’accuse d’avoir perdu ses valeurs et prétend l’aider à reprendre le contrôle de sa vie. Tout en le mettant en garde contre les fréquentations de sa fille qu’il ne voit plus guère. Car le New-yorkais quadragénaire, depuis le succès de son premier roman, cet «Everest» qu’il avait mis deux ans à gravir, a changé de vie. L’ancien cadre d’entreprise est devenu une star médiatique que sa femme a quitté, ne le reconnaissant plus, ne supportant plus ni son arrogance, ni d’être trompée. Enivré par la gloire, il mène une vie nocturne, boit plus que de raison et se laisse griser par les nombreuses femmes qui tentent de le séduire sur Facebook. Il se trouve ainsi englué dans un monde superficiel tout entier dominé par l’argent, où le livre n’est plus qu’un produit comme un autre qu’il faut faire fructifier. Pris en main par un agent, il doit publier un roman par an basé sur les 3S: sentiment, suspense, sexe. A travers ce très bon suspense, l’auteur met aussi le doigt sur les dangers que peuvent porter en eux les réseaux sociaux. (J’ai Lu)

 

QuintMichel Quint, En dépit des étoiles

Avec son nouveau roman dont le titre est extrait d’un vers de Desnos («Jamais d’autres que toi en dépit des étoiles et des solitudes»), Michel Quint donne la pleine mesure à ses deux amours: le roman noir et sa ville de Lille. L’idée est née de faits divers tragiques: la mort mystérieuse de quatre jeunes gens repêchés dans le Deûle entre novembre 2010 et septembre 2011, suivie de celle d’étudiants à Nantes et à Bordeaux, l’un d’eux étant le fils de l’une de ses anciennes élèves en théâtre. Le roman s’ouvre sur la disparition d’un joueur de foot lillois promis à un grand avenir. Le narrateur, Jules, un trentenaire célibataire qui retape les immeubles que vend l’agence immobilière familiale, met sa parfaite connaissance des moindres recoins du Vieux-Lille, de ses bars et de sa vie nocturne, au service de la sœur éplorée du jeune prodige dont il n’est pas insensible au charme. Il découvre que le sportif admiré de tous n’était pas si clean que ça, qu’il fréquentait des lieux que la morale réprouve, comme le révèlent des photos trouvées sur son ordinateur. Il prend aussi langue avec Dimanche, un vieux loup solitaire et noctambule au passé nébuleux qui veille avec une sollicitude toute chrétienne sur ses «filles», les prostituées qui racolent le long de la Deûle. Au-delà de son intrigue, la force de ce roman tient à son style âpre, heurté, imagé, impeccable reflet d’un univers marécageux, glauque, presque poisseux dans lequel nous entraîne l’auteur d’Effroyables jardins avec une évidente délectation. (Pocket)

 

SlocombeRomain Slocombe, Première station avant l’abattoir

Comme il l’a confirmé fin 2014 avec Avis à mon exécuteur, roman-vrai sur Walter Krivitsky, l’ancien agent de Staline retrouvé «suicidé» dans un hôtel de Washington en 1942, Romain Slocombe aime gratter l’opacité des services secrets en mêlant la réalité et la fiction. Première station avant l’abattoir (titre emprunté à Céline), dont le manuscrit est confié au narrateur par une journaliste anglaise en vue de sa publication, est une formidable auscultation du régime soviétique naissant. A Gènes, en 1922, lors d’une conférence internationale, un agent soviétique est assassiné. Il venait de confier une mission à Ralph Exeter, correspondant de guerre anglais à Paris porté sur la bouteille, œil de Moscou surveillé par la police française, qui devient le suspect numéro 1. Dans ce roman d’espionnage de premier ordre, où apparaît Ernest Hemingway sous une fausse identité, on apprend par exemple que Staline aurait été un agent de la police tsariste. Dans un style éblouissant, sans jamais relâcher la pression, l’auteur de Monsieur le commandant propulse le lecteur dans un univers parfaitement oppressant. (Points)

 

 

Reydi-GramondChristophe Reydi-Gramond, Un mensonge explosif

Le 21 septembre 2001, dix jours après l’attentat du WTC, l’usine AZF de Toulouse explose. Quelle en a été la cause? Aujourd’hui encore des zones d’ombre subsistent. C’est dans ce flou que s’engouffre ce redoutable thriller qui s’appuie sur les différentes enquêtes menées depuis. Un document secret tombe dans les mains du commissaire à l’antiterrorisme Clovis Lenoir, blessé lors de l’explosion, qui enquête sur la mort d’un journaliste et de sa famille. Il va mettre les pieds dans une affaire extrêmement dangereuse où s’entremêlent, dans une opacité voulue, intérêts politiques, financiers et énergétiques. Il comprend pourquoi la thèse de l’accident industriel fait office de vérité. Mais pas pour lui. A-t-il les moyens pour affronter de tels enjeux qui touchent à la géopolitique? Avec ce premier roman pour adultes extrêmement troublant par sa riche documentation et par les pistes qu’il lance, Christophe Reydi-Gramond frappe fort. (10/18)

 

 

SardouRomain Sardou, La Main Rouge. America T2

Suite de La Treizième colonie (Pocket), qui va de 1688 à 1732, ce deuxième tome de la trilogie America emmène le lecteur jusqu’en 1782, en pleine guerre d’Indépendance américaine. La Main rouge, titre qui fait référence à une légende irlandaise racontée en fin de récit, parle d’une utopie réelle sur fond de rivalité entre deux familles. L’utopie, imaginée en 1732 par le philanthrope britannique James Oglethorpe, consistait à créer une 13ème colonie, la Géorgie, avec des pauvres et des repris de justices amenés d’Angleterre. L’échec de l’entreprise au bout de deux décennies n’empêchera pas Philip Muir, né en prison et fils illégitime du richissime Augustus Muir, de s’enrichir par l’introduction illégale d’esclaves noirs dans la colonie et par l’achat des terres des colons désespérés. Sa famille entretient une rivalité féroce avec les Bateman. Lui et son fils George, fervents soutiens de la couronne britannique, affrontent Charles Bateman, ex-pirate irlandais sorti de prison contre sa conversion au protestantisme, son fils, Duane et, surtout, sa belle-fille écossaise, Amanda, qui va tenir un grand rôle dans la marche des colonies vers leur indépendance. Tentant notamment d’empêcher le débarquement en Géorgie des soldats du roi Georges III. (Pocket)

 

 

Michel Paquot
Juin 2015

 

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littériaire indépendant

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