Lectures pour l'été 2015 - Poches - Polars et thrillers

BouhierOdile Bouhier, La nuit, in extremis

L’univers des polars d’Odile Bouhier est le Lyon du début des années 1920, théâtre des débuts de la police scientifique, que nous découvrons à la suite du commissaire Kolvair et du professeur Salacan. Ce troisième épisode, après Le Sang des bistanclaques et De mal à personne, trouve ses racines dans la Première Guerre mondiale, et plus précisément dans les mutineries de 1917. Anthelme fut l’un de ses jeunes gens – il avait 17 ans – qui, au Chemin des Dames, osèrent se révolter contre des ordres absurdes et meurtriers. Contrairement à certains de ses camarades passés par les armes, il n’a écopé que de quelques années de prison. Et aujourd’hui, il est libre, ce qui inquiète Kolvair. Son ancien compagnon de tranchée, où lui-même a perdu une jambe (douleur qu’il soigne grâce à la cocaïne), le soupçonne en effet d’avoir égorgé un soldat. Il est donc bien décidé à le tenir à l’œil. Au point de prendre une chambre dans la même pension que l’ex-prisonnier. Cette histoire est l’occasion pour l’auteure de replonger dans la Grande Guerre et de rappeler l’imbécilité crasse et criminelle des gradés et l’horreur des tranchées. (10/18)

 

 

LarssonBjörn Larsson, Les poètes morts n’écrivent pas des romans policiers

Si, comme le rappelle le titre du roman de Björn Larsson (Médicis étranger en 1999 pour Le Capitaine et les Rêves), morts, les poètes n’écrivent pas de romans policiers, vivants, ils en sont totalement capables. Ainsi en va-t-il de Jan Y Nilsson, «un des plus grands poètes» suédois, mais peu lu, qui se laisse convaincre par son très influent éditeur d’écrire un tel livre. Mal lui en prend: il est retrouvé pendu dans son bateau au moment où il a enfin touché le jackpot grâce à de mirifiques droits étrangers. Suicide ou assassinat? L’enquête est menée par un policier lui-même poète à ses heures, «secondé» par toute une galerie de personnages plus ou moins liés au défunt. Le lecteur est ainsi invité à lire un double livre en quelque sorte: un roman policier dont les codes sont scrupuleusement respectés et une réflexion sur l’écriture poétique, assez surprenante dans ce genre littéraire, doublée de considérations assez justes sur l’éthique éditoriale. Trad. Philippe Bouquet (Le Livre de Poche)

 

 

AbelBarbara Abel, Après la fin

Dans Derrière la haine, l’auteure belge racontait dans quelles circonstances Tiphaine et Sylvain Géniot avaient adopté le fils de leurs voisins. Huit ans ont passé, le garçon a quinze ans et, au début d’Après la fin, une nouvelle famille vient s’installer dans la maison mitoyenne de la leur. Il s'agit d’une femme séparée et de ses deux enfants de 13 et 8 ans. Le couple est plutôt rassuré, il ne devrait pas être embêté, même si cette arrivée fait rejaillir chez Tiphaine de douloureux souvenirs mal enfouis liés à la perte de leur fils treize ans plus tôt. Au début, cela se passe bien, d’ailleurs, les deux femmes s’apprécient, les familles s’invitent. Jusqu’à l’entrée en scène du mari de la nouvelle voisine, un avocat qui lui révèle le drame qui s’est déroulé jadis dans sa maison. Tout commence alors à déraper. Les thrillers de Barbara Abel tirent leur principale force de la manière dont elle parvient à distordre une situation a priori normale par le simple dérèglement psychologique de personnages perdus entre réalités, peurs et fantasmes. (Pocket)

 

 

NesboJo Nesbø, Fantôme

De la littérature policière norvégienne, Jo Nesbo (né en 1960 à Oslo) est le plus célèbre et brillant représentant. Fantôme est la neuvième enquête de Harry Hole depuis L’Homme chauve-souris traduit en français en 2002. Après un détour par Hong Kong où cet ex-inspecteur était allé soigner sa déprime consécutive à sa rupture amoureuse, puis par le Congo sur la trace d’un tueur en séries, voici le pas toujours fringant Harry Hole de retour à Oslo. Il retrouve une ville profondément changée, livrée aux trafiquants de drogue. La drogue, et notamment une nouvelle venue, la fioline, est le fil rouge de cette intrigue qui implique douloureusement son héros puisqu’Oleg, le fils de la femme qu’il aime, se voit mêlé au meurtre d’un dealer. Fantôme offre une plongée vertigineuse au cœur d’une cité que l’auteur montre sous ses atours les mois seyants. Trad. Paul Dott (Folio Policier)

 

BussiMichel Bussi, N’oublier jamais

Le point de départ de ce thriller extrêmement bien conçu, riche en fausses pistes et dont la double fin laisse le lecteur estomaqué, est a priori inexplicable: comment la jeune femme retrouvée morte sur une plage peut-elle avoir eu le temps de nouer autour du cou l’écharpe rouge que Jamal lui a tendue quelques minutes plus tôt, juste avant qu’elle se jette de la falaise? Le jeune coureur de fond équipé d’une prothèse à la jambe voudrait comprendre. Aidé par une jeune fille croisée par hasard, il se met à la recherche des deux témoins du drame, une vieille dame et un homme au blouson fatigué. Tout en recevant des enveloppes contenant des extraits de presse relatifs à un fait divers similaire survenu dix ans auparavant. Des éléments déconcertants font vaciller ses repères: pourquoi le journal local ne parle-t-il pas de ce fait divers? Pourquoi y a-t-il tant de points communs entre les deux mortes? Pourquoi les témoins sont-ils introuvables, comme s’ils n’avaient jamais existé? Le roman, qui se déroule sur six jours, est conçu comme un flash-back. Jamal raconte avoir été accusé, traqué, jugé, condamné. Mais maintenant il est libre. Cette intrigue est en outre jalonnée des lettres échangées par des gendarmes au sujet d’ossements humains retrouvés dans la même commune, quelques mois plus tard, suite à l’effondrement d’une falaise. Le lien entre ces deux histoires est totalement inattendu. Confirmant la puissance imaginative du romancier. (Pocket)

 

KonateMoussa Konaté, Meurtre à Tombouctou

Ce quatrième roman policier de l’écrivain, dramaturge et éditeur malien mort en 2013 à Limoges, à 62 ans, cofondateur du festival Etonnants voyageurs à Bamako, prend une résonnance particulière suite à la tragédie vécue par Tombouctou lors de son occupation par les djihadistes. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: le même jour où le cadavre d’un jeune Touareg est découvert aux abords de la ville, un cavalier enrubanné de noir vient professer des menaces de mort à l’égard des «sales mécréants de Français». Venu enquêter sur place, le commissaire Habib, héros récurrent de l’auteur, a fort à faire entre les batailles de clans et les pressions pour qu’il s’en retourne à Bamako. Pendant ce temps-là, son adjoint et un agent du Renseignement français découvrent la cité légendaire, et le lecteur à leur suite. L’intrigue policière offre en effet à Moussa Konaté l’opportunité de nous dévoiler avec intelligence et profondeur la richesse culturelle et humaine de son pays. Et plus spécifiquement ici de raconter le monde touareg qui nous est inconnu, notamment lors de la visite d’un campement. Et toujours plane sur la région une menace islamiste qui, dans la réalité, prendra effectivement corps. (Points)

 

 

Page : précédente 1 2 3 4 suivante