Lectures pour l'été 2015 - Poches - Littérature étrangère

biancarelliiMarc Biancarelli, Murtoriu

Marc Biancarelli est Français, mais d’abord Corse, et c’est dans cette langue qu’il a écrit ce roman (notamment traduit par Jérôme Ferrari, l’auteur du Sermon sur la chute de Rome, prix Goncourt 2012, qui se passe sur l’île de Beauté). Trois récits s’entrecroisent. D’abord celui, à la première personne, d’un «libre penseur», un ancien journaliste qui tient une librairie. Dans cet «espace ultime, un refuge pour entreposer [ses] livres préférés et continuer à rêver», il publie à compte d’auteur des recueils de poésie. Lui-même écrit et semble toujours étonné lorsque quelqu’un lui parle de ses livres, n’ayant pas réussi à les transformer «en valeur marchande». Quelque peu misanthrope, il ne fréquente que deux frères, l’un passionné d’histoire, l’autre «une sorte d’attardé mental», dernier berger de la région. «Ruiné et désillusionné», il s’est réfugié aux Sarconis, un village perché à mille mètres d’altitude d’où, en 1914, un enfant du pays est parti combattre dans les tranchées du nord de la France, sujet de la deuxième histoire. La troisième trame met en scène l’attaque d’une riche famille allemande par le tenancier d’un bar PMU et son jeune complice. Ce roman constitue une photographie contrastée de la réalité corse. Trad. Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari, Jean-François Rosecchi (Babel)

 

HosseiniKhaled Hosseini, Ainsi résonne l’écho infini des montagnes

Ancien médecin devenu écrivain américain, Khaled Hosseini ne cesse d’écrire sur son pays, l’Afghanistan, qu’il a quitté enfant. Il s’est fait connaître en France en 2005 avec la traduction des Cerfs-volants de Kaboul devenu un best-seller. Après Mille soleils splendides, ce troisième roman paru en 2013 est d’une construction plus complexe. Il entraîne le lecteur en Afghanistan, mais aussi à Paris dans les années 1970, en Californie où vit l’auteur et sur une île grecque, à travers des histoires indépendantes reliées entre elles par un fil subtil: la légende d’un démon kidnappeur d’enfants, la séparation déchirante d’un frère et d’une sœur dont nous suivons les routes distinctes jusqu’à l'âge adulte, la mission humanitaire à Kaboul d’un chirurgien plastique grec, etc. Trad. Valérie Bourgeois (10/18)

 

 

BernhardtThomas Bernhardt, Goethe se mheurt

De loin en loin, Gallimard publie des textes inédits de l’immense écrivain et auteur dramatique autrichien mort en 1989, et c’est à chaque fois profondément réjouissant. Après le très mordant Mes prix littéraires (Folio), voici un recueil de quatre textes parus dans différents journaux et revues au début des années 1980. Le narrateur du premier, qui donne son titre au recueil (écrit à l’occasion du 250e anniversaire de la mort de Goethe), s’en va visiter sur son lit de mort «la plus grande figure nationale, et même le plus illustre allemand de tous les temps». Le moribond est obsédé par Wittgenstein qu’il veut faire venir auprès de lui à Weimer «coûte que coûte et dès que possible». Contre l’avis d’Eckermann que son ami s’est empressé de chasser. Ce texte d’une causticité hilarante est, comme ceux qui suivent, caractéristique du style si singulier et puissant de l’auteur de Maîtres anciens, avec ses longues phrases formées de subordonnées enchâssées les unes dans les autres et scandées, comme autant de leitmotivs, par le rappel du locuteur, qu’il soit le narrateur ou une tierce personne. Ce texte sublime est une merveilleuse introduction à l’un des auteurs phares du siècle dernier. Trad. Daniel Mirsky (Folio)

 

SaramagoJosé Saramago, L’autre comme moi et La Lucarne

Saramago-LucarneLe Prix Nobel de Littérature 1998, mort en 2010, a eu droit cette année à deux rééditions en poche. La première, L’autre que moi, il la doit à son adaptation cinématographique par le Canadien Denis Villeneuve sous le titre Enemy. Soit l’histoire ô combien intrigante de deux hommes qui se découvrent sosies. L’un est prof d’histoire, l’autre acteur de cinéma, et chacun est convaincu d’être l’original. Comme très souvent chez cet écrivain, l’humour et le drame vont main dans la main, portés par une écriture exigeante. L’autre parution, La Lucarne, est une découverte posthume. Il s’agit d’un roman écrit dans les années 1940 et retrouvé un demi-siècle plus tard par la maison d’édition où l’auteur, âgé d’un peu plus de vingt ans, l’avait envoyé. Décrivant, sous une forme polyphonique et cocasse, la vie des habitants d’un immeuble dans une ville portugaise, des hommes et femmes de différents âges et conditions, l’écrivain lusophone se montre très critique envers son pays, une société retranchée derrière les faux-semblants et les non-dits, introduisant brillamment l’une des plus importantes œuvres littéraires de la deuxième moitié du 20e siècle.  Trad. Geneviève Leibrich (Points)

 

OFaolainNuala O’Faolain, On s’est déjà vu quelque part

C’est par ce texte autobiographique que Sabine Wespieser a entamé en 2002 la traduction de l’œuvre de l’Irlandaise Nuala O’Faolain (1940-2009). «J’étais l’Irlandaise type: une pas grand-chose, issue d’une longue lignée de pas grand-chose, de ceux qui ne laissent pas de traces», écrit cette Dublinoise entourée de huit frères et sœurs. Mais, quelque chose en elle «attendait de se rebeller, d’exiger d’être pris en compte» et, après avoir été journaliste, elle devient une écrivaine «assez connue en Irlande», sans pour autant «être une star». Ces Mémoires, elle les a écrites au milieu des années 1990 pour tenter de répondre à la question: «Comment quelqu’un est-il fait?» Et, contrairement à ce qu’elle redoutait, un grand nombre de lecteurs s’y sont reconnus. Dans On s’est déjà vu quelque part, titre qui fait référence à une phrase qu’elle entend régulièrement, elle retrace son enfance. Comment sa mère, treize fois enceinte, peu à peu «envahie» par la tristesse, a sombré dans l’alcool, tout en lisant «tout le temps». Ce qui va marquer la fillette: sa vie, elle va en effet la placer sous le sceau de l’écriture, comme elle le raconte au fil de ces souvenirs. Qui sont aussi le portrait d’un pays où les femmes voient leur vie et leur carrière brisées par des maris forts de leur pouvoir et par des enfants non désirés. Trad. Julia Schmidt et Valérie Lermite  (SW Poche)

 

LiChi Li, Les Sentinelles des blés

Ancienne médecin née en 1957, Chi Li fait partie de ces nombreux écrivains révélés en France par Actes Sud qui, depuis 1998, publie régulièrement ses romans. Celui-ci est l’un de ses plus forts et poignants à la fois par sa dimension humaine et par son portrait de la Chine d’aujourd’hui. La narratrice, employée dans un institut de recherche biologiste, dont le père a introduit des graminées appelées «sentinelles des blés», n’a plus de nouvelles de sa fille adoptive, dont la mère est une amie d’enfance enfermée dans un hôpital psychiatrique. Partie sur ses traces à Pékin, elle découvre, en rencontrant ceux qui l’ont côtoyée, le vrai visage de cette sportive de haut niveau. Ce qui la pousse à s’interroger sur elle-même et sur la vie qu’elle s’est construite. Ce double voyage, physique et intérieur, l’auteur du Show de la vie le retrace avec énormément de sensibilité, d’humanité et d’empathie pour sa narratrice. Trad. Shao Baoqing (Babel)

 

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