Lectures pour l'été 2015 - Poches - Littérature française

DuroyLionel Duroy, Vertiges

Ce roman largement autobiographique s’ouvre sur deux ruptures vécues par le narrateur à vingt ans d’intervalle. La première a eu lieu lors de la parution de son premier livre autobiographique, Priez pour nous, la seconde, peu après la sortie du Chagrin. Au moment où il se sépare d’Esther, Augustin se souvient de son progressif éloignement de Cécile tombée amoureuse de l’architecte de la maison où le couple venait de s’installer avec leurs deux enfants. Il passe en revue la vie qui a suivi, la naissance de deux nouveaux enfants, l’achat d’une maison de campagne, quelques aventures amoureuses, l’écriture de livres pour d’autres. Et surtout la progression d’une douleur intérieure qui l’envoie dans les Balkans en guerre et l’éloigne progressivement de son bonheur quotidien. Jusqu’à le plonger dans une solitude existentielle dont il ne survit que par l’écriture. (J’ai Lu)

 

 

DavrichewyKéthévane Davrichewy, Les séparées

Amies d’enfance, Alice et Cécile auraient dû le rester leur vie entière. Que de moments forts n’ont-elles pas partagés, depuis le soir de l’élection de Mitterrand en 1981! Et pourtant, mariées et mères de famille, elles ont fini par s’éloigner l’une de l’autre, sans trop comprendre pourquoi. Trente ans plus tard, alors qu’Alice traîne à une terrasse de café en retissant le fil de ses souvenirs, Cécile est dans le coma. Et de sa brume ouatée, c’est son ancienne amie qu’elle appelle…Alternativement, nous remontons derrière elles ce temps vécu cœur à cœur. L’adolescence où elles entonnent les mêmes airs populaires, dansent sur les mêmes chansons à la mode. L’année où Alice étudie à New York, d’où elle ramènera son mari, tandis que Cécile est inscrite aux Beaux-Arts à Paris. Jusqu’à ce projet professionnel commun, avorté. Une amitié pourtant fragilisée par Philippe, demi-frère de Cécile, amoureux caché d’Alice, qui paiera le prix fort ses excès de vie. Qu’est-ce qui fait qu’un roman est un grand roman? C’est le fruit d’une alchimie mystérieuse. Car en réalité, l’histoire contée ici, la littérature en regorge. Il y a donc autre chose. Cette capacité à mettre les mots justes sur des émotions qui deviennent ainsi les nôtres. Et c’est le regard lavé de tout que l’on a pu lire ou connaître jusqu’ici que nous parcourons ce chemin d’où l’on revient chaviré. (10/18)

 

ArditiMetin Arditi, La confrérie des moines volants

Le point de départ est une histoire présentée comme vraie (et en réalité fictive); dans l’URSS de la fin des années 1930, horrifié par les massacres de religieux et le saccage des églises perpétrés par les milices du NKVD (Commissariat du Peuple aux affaires intérieures), un ermite, Nikodime Kirilenko, décide de réagir. Avec onze compagnons, cet homme hanté par un douloureux secret fonde la Confrérie des moines volants chargée de dérober des icônes et de les cacher. Dans la deuxième partie, ce récit d’une résistance contre un régime qui veut éradiquer tout sentiment religieux trouve un écho de nos jours avec les recherches menées en Russie par un photographe qui, à la mort de son père, découvre les liens qui le lient à Nikodime. (Points)

 

PuertolasRomain Puertolas, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA

Pour sa réédition en poche, la couverture du premier roman de Romain Puértolas a perdu le logo de l’enseigne suédoise qui lui avait fait un procès, mais en a gardé les couleurs jaune et rouge. Ajatashatru Lavasch Patel (prononcez comme vous voulez) débarque à Paris de son Inde natale, où il fait profession de fakir et de faux magicien, pour se procurer, dans un magasin  IKEA, le dernier modèle de lit à clous Kisifrötsipik (15000 clous à planter soi-même). Contraint de passer la nuit dans le magasin en attendant sa commande, il se cache dans une armoire métallique expédiée en Angleterre. C’est le début d’un périple qui va successivement le mener en Espagne, en Italie et en Lybie, pisté par le chauffeur de taxi gitan (et quelque peu belliqueux) qu’il a arnaqué. Mais au cours duquel il va faire quelques belles rencontres. Avec une obsession: retrouver à Paris celle avec qui il a partagé un repas à la cafétéria du magasin suédois. (Le Livre de Poche)

 

FerneyAlice Ferney, Cherchez la femme

Dans ses romans (L’élégance des veuves, Conversation amoureuse, Dans la guerre, Les Autres), Alice Ferney parvient avec subtilité et précision à décortiquer les ressorts de l’âme humaine, principalement dans la relation amoureuse. Ici, elle met une fois encore à nu les mécanismes d’un couple, Serge et Marianne, en remontant à la génération supérieure, se souvenant que tout individu est d’abord le fruit d’une famille, d’un milieu, d’une éducation. Nina est une lycéenne de 16 ans qui rêve d’être danseuse lorsqu’elle accepte d’épouser Vladimir, un ingénieur des mines. Après bien des déboires professionnels, le couple s’installe dans une petite ville de la province française, Nina sombrant dans l’amertume et l’alcoolisme sous le regard meurtri car toujours amoureux de son mari. De cette union souvent tumultueuse naissent deux fils, dont Serge qui épouse Marianne, une Parisienne issue d’un milieu nettement plus bourgeois que le sien. C’est donc leur histoire que nous sommes invités à suivre. De leur mariage, rendu difficile par la rencontre de deux mondes qui n’ont nulle envie de se connaître, à leur séparation, également compliquée. Cette cassure était-elle inévitable? Serge, paré de toutes les qualités par les autres, et principalement par sa femme qui se sent inférieure à lui, alors qu’il apparaît au contraire lâche, égoïste, fuyant et finalement peu fiable, fut-il un bon mari? C’est un peu la question qui sous-tend tout le roman. Doublée de celle-ci: que faut-il pour qu’un couple fonctionne? (Babel)

 

LeysSimon Leys, La Mort de Napoléon

Excellente idée d’Espace Nord de rééditer le seul et fort cocasse roman écrit par Simon Leys en 1986. Son point de départ raisonne comme une farce: sous le nom d’Eugène Lenormand, à bord d’«un phoquier portugais soudoyé pour la circonstance» et dont l’équipage est composé de Norvégiens «taciturnes», Napoléon s’est évadé de Sainte-Hélène, remplacé sur l’île par un maréchal-des-logis fort ressemblant. Sur le brick qui le ramène en France, où il fait office de garçon de cabine, il est surnommé Napoléon pour sa ressemblance avec l’empereur. Accostant à Anvers, il se rend à Waterloo en compagnie de douze Anglais et Anglaises, visitant notamment la chambre qu’il occupa à la veille de la fatidique bataille. Mais il s’aperçoit avec horreur qu’il découvre les lieux pour la première fois. Ainsi débute un périple qui ne sera pas des plus tranquilles. Françoise Châtelain signe la postface. (Espace Nord)

 

 

HartzfeldJean Hatzfeld, Robert Mitchum ne revient pas

Au printemps 1992, Marija et Vahidin, deux champions yougoslaves de tir au pistolet, s’entraînent dans la banlieue proche de Sarajevo pour les Jeux Olympiques de Barcelone où ils ont de sérieuses chances de médailles. Dès les premiers bombardements, le jeune homme, musulman bosniaque, aide sa mère et ses sœurs, qui redoutent les milices tchetniks, à se réfugier en ville, avec l’intention de rejoindre ensuite son amie, serbe bosniaque. Mais il ne parvient pas à franchir la frontière militaire rapidement installée entre eux. Marija, de son côté, retrouve Robert Mitchum, le chien de la famille de Vahidin, qui ne la quitte plus. Elle refuse d’envisager l’inéluctable et, espérant toujours le retour de son amoureux, refuse de suivre son équipe en Serbie. Cette histoire s’étend sur huit ans, jusqu’aux JO de Sidney. Jean Hatzfeld fait admirablement revivre cette tragédie historique honteuse pour l’Europe, s’installant de part et d’autre de la ligne de front, à travers le destin de ses magnifiques héros engagés l’un et l’autre comme snipers par leurs camps respectifs. C’est un livre indispensable pour comprendre non seulement ce qui s’est réellement passé mais comment les gens ont vécu ces années-là, dans leur vie et dans leur chair. Et, au-delà, c’est un prodigieux document humain. (Folio)

 

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 suivante