La Médecine à travers les Collections artistiques de l'ULg

Les 22 et 23 Mai, la Société Française de l'Histoire de la Médecine (SFHM) en collaboration avec le Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques (CHST) de l'ULg organisent des journées d'études intitulées, La Médecine au pays de Liège. Acteurs, savoirs, pratiques d'hier et d'aujourd'hui. Historiens, conservateurs ou encore médecins et professeurs en faculté de médecine... Des protagonistes issus de divers horizons se succéderont afin de poser un regard différent et complémentaire sur cette discipline transversale. Depuis son utilisation dans l'Égypte antique jusqu'aux effets néfastes de l'activité métallurgique liégeoise sur la santé des travailleurs en passant par les bienfaits des cures spadoises, la médecine sera disséquée et appréhendée sous différentes facettes. Pour s'inscrire dans le prolongement de ce discours interdisciplinaire, nous vous proposons un tour d'horizon de  quelques chefs d'œuvre détenus par les collections artistiques de l'ULg  et qui évoquent l'histoire de l'hôpital de Bavière ainsi que celle de la Faculté de Médecine l'ULg.

Un hôpital, un quartier  

maladeL'Hôpital de Bavière dit la «Maison de Miséricorde» a été crée en 1602 afin de soulager les maux des malades nécessiteux de la cité mais, selon ses statuts fondamentaux, il ne peut pas admettre les femmes enceintes, les vieillards, les débauchés… et les enfants. L'hôpital est géré par une confrérie privée charitable nommée la Compagnie de Miséricordie. Il est situé au sein du quartier d'Outremeuse dans une propriété léguée par le P-E. Ernest de Bavière.

Les Œuvres de Miséricorde : « j’estoy malade et vous m’aves visité », 1604, par Jean Valdor l’Aîné.
La visite au malade est une représentation tirée de l’Évangile de Mathieu, XXV, 35-40.

 

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Vieux Bavière : L'aile des hommes,19e s. Photographie, Vue prise de l’extrémité nord de la propriété.
Cette aile date du 17e siècle, probablement construite à la place des écuries de la Maison Porquin.
 
 

 

L'Origine de la Faculté de Médecine

Au 17e siècle, les soins médicaux sont assez réduits. Certains remèdes sont confectionnés au sein de l’hôpital par la sœur portière ou achetés chez l’apothicaire du coin. Dans les années 1680, deux médecins, G.G.Clermont et G.F. de Loncin, sont chargés par la Compagnie de Miséricorde de visiter les malades de l’hôpital à titre gracieux. Ces deux praticiens sont partie prenante dans la création du Collège des Médecins et participent à la rédaction d'un herbier pharmaceutique, la Pharmacopea Leodiensis.

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Les saules, Georges Comhaire. L’écorce de saule est connue depuis d’Antiquité pour ses soulager les douleurs et les fièvres. Elle sera  à l’origine de nos aspirines.

 

Sous le Régime français (1895-1814), les secours aux pauvres sont progressivement réorganisés avec la création de la Commission des Hospices civils. Cette nouvelle institution rémunère un médecin et un chirurgien pour visiter les établissements de la rive-droite, dont l’hôpital de Bavière. Ceux-ci doivent se rendre une fois par semaine dans chaque hospice lors d’opérations spéciales.

04210La Faculté de Médecine va peu à peu investir le Vieux-Bavière. En 1812, les cours de clinique médicale et chirurgicale, respectivement pris en charge par J.N. Comhaire (1778-1837) et par N.G.Ansiaux II (1780-1834), tous deux diplômés de la Faculté de Médecine de Paris, sont officiellement établis. Cette création débouche sur une opposition grandissante entre l’hôpital, avec d'un côté la Commission des Hospices et le personnel religieux et de l'autre, l’enseignement universitaire ressenti « comme une intrusion difficilement acceptable dans l’univers jusque là immuable del’hôpital ».

 

N.J. Ansiaux III, par Charles Subre.
Lithographie offerte par ses élèves, mai 1860.

 

En septembre 1817, le roi Guillaume Ier procède à la réorganisation de l'enseignement supérieur dans le Royaume Uni des Pays-Bas et fonde l’Academia Leodiensis. La Faculté de Médecine apparaît alors comme une simple reconduction des cours existants sous l'Empire. L'anatomie, la physiologie, la chirurgie théorique ainsi que les deux cours de clinique sont toujours enseignés par les mêmes professeurs. Le Dr T. D. Sauveur (1766-1838), médecin au Vieux-Bavière, est quant à lui désigné en tant que Recteur. Si les médecins des Hospices et ceux de l’Université se côtoient pour exercer leur pratique au Vieux-Bavière, une polémique qui durera trente ans va les opposer.

Plusieurs changements altérant l'organisation de l'hôpital et de son personnel  vont progressivement se succéder. La réforme de 1835 supprime les écoles médicales secondaires et celle de 1849 réorganise les études. Cette dernière va renforcer la dualité entre Hospices et Faculté, de même que la création de cliniques et de services spécialisés. La clinique ophtalmologique, des pathologies spéciales (maladies internes, mentales et de la peau), des maladies des enfants et des vieillards, des maladies syphilitiques et de la peau et celle d’O.R.L. voient ainsi le jour.

Autre fait important, en 1880, sous la pression de conflits entre médecins des Hospices et de l’Université, la Commission décide de dédier le Vieux-Bavière uniquement à l’enseignement universitaire. Les médecins des Hospices sont alors chargés des soins à l’hôpital des Anglais.

 

Réaménager ou reconstruire l'hôpital ?

Malgré la construction de trois ailes d'hospitalisation dont deux à l'emplacement des écuries, l'hygiène hospitalière et le manque de place sont problématiques dès la création du Vieux Bavière. Dès 1850, plusieurs améliorations ont lieu en vue de répondre au manque de lits, à l'absence de chambre d'isolement ou encore pour combattre l'éparpillement des spécialités médicales et chirurgicales. Néanmoins, celles-ci ne sont pas suffisantes pour répondre à l'évolution fulgurante de la médecine et à l'afflux grandissant de malades.

Tout au long du 19e siècle, l'hôpital exigera une gestion réfléchie et un entretien coûteux, des agrandissements et aménagements incessants. En 1888, une décision est finalement prise. L'hôpital est reconstruit aux Prés Saint-Denis situé à l'extrémité nord du quartier d'Outremeuse, nouvellement assaini et relié à un réseau de rues modernes. Les malades y sont transférés fin 1895. Pour répondre aux normes du Conseil supérieur d'Hygiène, le Nouveau Bavière est organisé sous forme d'un complexe de pavillons totalement isolés les uns des autres de part et d'autre d'une grande allée centrale.

 

 

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Hôpital de Bavière. Allée centrale, photographie de Robyns après 1934.
 

Dans le fond de la photographie, l’entrée de l’hôpital. À droite de l’allée centrale, le pavillon de médecine avec un deuxième étage et la galerie de cure construits en 1934. Le long d’une des façades, des patients prennent l’air amenés sur des brancards et protégés du soleil par un grand parapluie. À gauche de la photographie, le pavillon de chirurgie.

 

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 Hôpital de Bavière. Salle d'opérations septique, photographie de Robyns.
Située au rez-de-chaussée du pavillon de chirurgie, cette salle d’opérations est surmontée d’une galerie ouverte
pour permettre aux étudiants de suivre les gestes opératoires et d’écouter les commentaires du professeur.
 
 

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Clinique ophtalmologique, par Gustave Marissiaux. Carte postale,1921.
 

En 1914, les premiers grands travaux d’agrandissement sont envisagés mais le conflit mondial retarde tous les projets. Ceux-ci reprennent une fois la paix revenue. On assiste à la construction d’un pavillon d’urologie près du lazaret (1919), à l'agrandissement de la laparotomie pour abriter le service de radiumthérapie, premier grand centre belge de lutte contre le cancer (1924) et à la création d'un pavillon de pédiatrie avec un second étage quelques années plus tard. La capacité de l’hôpital passe de 325 à 527 lits. Les années 30 connaissent également des modernisations notamment le début de la construction du pavillon de stomatologie érigé par l’Université.

 

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Hôpital de Bavière. Pavillon d'urologie, par Gustave Marissiaux. Carte postale,1921
 

Après la seconde guerre mondiale, la question se pose à nouveau : Faut-il aménager ou reconstruire l’hôpital ? À la fin des années 50, l’Université décide de construire son propre établissement au Sart Tilman et la Commission d’Assistance publique le sien, sur le site de la Citadelle. L’hôpital de Bavière fermera définitivement ses portes dans les années 80.

 
 

 

Les grandes figures de la Faculté de Médecine à travers les collections artistiques

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Portrait de Voltaire Masius (1836-1912) par L. Salme.
Lithographie offerte par les étudiants en médecine, janvier 1872.
 

Entre 1854 et 1861, Voltaire Masius entreprend ses études de médecine à l’ULg, qu’il prolonge par des formations au laboratoire de Claude Bernard et dans des universités allemandes. En 1869, il est titulaire de la chaire de clinique médicale qu’il engage résolument dans la voie scientifique. Il est nommé recteur de 1897 à 1900.

 

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Caricature du Pr Alexandre von Winiwarter (1848-1917)
par Jacques Ochs. Linogravure, 1910.
 

Docteur en médecine de l’Université de Vienne en 1870, Alexandre von Winiwarter occupe un poste de chirurgien à l’hôpital des enfants de Vienne. Il remplace C. Gussenbaüer rappelé à Vienne pour remplacer Billroth, l’éminent chirurgien de cette capitale. A. von Winiwarter s’impose rapidement aux étudiants ainsi qu’à ses collègues par sa vaste culture, ses connaissances étendues en anatomie pathologique et sa science chirurgicale. Professeur ordinaire en 1878, il assume pendant quarante ans la charge de tout l’enseignement chirurgical : il sera le fondateur de l’École chirurgicale liégeoise. Clinicien averti et opérateur habile, il crée également, dans sa clinique, le premier laboratoire de radiologie. Il introduit aussi des traitements de physiothérapie par massage manuel et compression pour traiter le lymphœdème.

 

 

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Les professeurs de médecine, par Chaudlong.  Photogravure coloriée, 1912.
 

On y retrouve différents professeurs de la Faculté de Médecine : Xavier Francotte (1854-1931), professeur de maladies mentales ; Alexandre von Winiwarter (1848-1917), professeur de chirurgie, créateur de l’École liégeoise de chirurgie, les mains et le tablier pleins de sang ; Charles Firket (1852-1928), professeur d’anatomie pathologique et d’hygiène coloniale, collectionneur d’objets d’art africain légués aux Collections artistiques de l’ULg ; Paul Troisfontaine (1852-1925), professeur de dermatologie, tenant un clystère et un flacon ; Léo Weekers (1881-1962), futur professeur d’ophtalmologie, alors assistant du professeur Nuel dont le portrait avait été «raté» ; le professeur Schwaen, en artiste peintre amateur et le professeur Henrijean.

 

 

 

Marjorie Ranieri et Arlette Joiris
Mai 2015

 

crayongris2Marjorie Ranieri est journaliste indépendante.

crayongris2Arlette Joiris est historienne diplômée de l'ULg. Elle s'intéresse beaucoup à l'histoire de la médecine à Liège