Cela ne pouvait durer éternellement et en 1895, un schisme, secoua l’Église Baptiste noire : le Révérend Charles Mason, à Memphis, fonda la Church of God in Christ ( C.O.G.I.C.) qui , tout en respectant les grands principes baptistes, accepta les instruments de musique à l’église et permit pirouettes et autres gambades qui étaient des danses d’exultation. Très rapidement, ce schisme conduisit à l’apparition d’une foule de sectes baptistes indépendantes, les Églises Sanctifiées et Pentecôtistes où tous les instruments de musique furent admis, des pianos, des batteries, des guitares, des cuivres et parfois, des orchestres de jazz au complet. Cela mit un peu d’ordre dans l’anarchie mais pas totalement. On vit se développer des Jubilee Groups masculins a capella comme le Dinwiddie Colored Quartet, fondé en 1898, qui fut le tout premier à graver des 78 tours en 1902 pour la compagnie Victor.
Charles MasonD’autres groupes de ce type eurent un succès phénoménal dans les années ‘20 et ‘30 enregistrant quantité de disques qui se vendirent comme des petits pains : le Norfolk Jubilee Quartet, le Birmingham Jubilee Quartet, le Dunham Jubilee Quartet, les Mitchell’s Christian Singers, les Heavenly Gospel Singers, etc, etc.
Dinwiddie Colored Quartet Down on the old campground(Youtube) |
Norfolk Jazz & Jubilee Quartet Revival day (Youtube) |
Birmingham Jubilee Quartet Do you call that religion ? (Youtube) |
Des évangélistes itinérants, souvent guitaristes voire harmonicistes ou pianistes, et très proches de leurs alter ego du blues, connurent eux aussi un succès populaire inouï et vendirent beaucoup de disques comme Blind Willie Johnson, Mother McCollum, Blind Joe Taggart, Sister Cally Fancy, Elder Curry, Bessie Johnson, le Révérend Edward W. Clayborn et des dizaines d’autres….
Blind Willie JohnsonDark was the night, cold was the ground (Youtube) | Rev. Edward W. ClaybornMen don’t forget your wife for your sweetheart (Youtube) | Mother Mc CollumJesus is my air-o-plane (Youtube) |
Sister Cally FancyGoin’ on to Heaven in the sanctified way (Youtube) |
Des prêcheurs charismatiques devinrent des idoles du public noir qui venaient les écouter et ensuite achetaient leurs disques par milliers comme les Révérends J.M. Gates, A.W. Nix, Emmett Dickerson…
Des solistes et/ou instrumentistes se taillèrent eux aussi un beau succès comme, parmi beaucoup d’autres, la pianiste aveugle du Texas, Arizona Dranes ou le guitariste Washington Phillips lequel, dans Denomination blues, brocarda les défauts des églises baptistes et méthodistes.
Rev.J.M. Gates & Congregation Death black train is coming (1926) (Youtube) |
Arizona Dranes I’m going home on the morning train (Youtube) |
Washington Phillipe Denomination blues (Youtube) |
On put aussi aller écouter les chorales attachées à chaque église noire et d’où se détachèrent parfois solistes et instrumentistes en leur sein et sinon, des artistes en visite. Dans les années 30, on vit apparaître, à côté des Jubilee Groups (de 6 à 8 membres), des Male Quartets a capella comme le Golden Gate Quartet, où l’accent était mis sur l’harmonisation des quatre tessitures de voix, lead polyvalent, ténor, baryton et basse ; il y a avait parfois deux ténors et deux barytons, ce qui donnait un groupe de six chanteurs mais quand même un quartet à quatre voix.
Enfin, il faut compléter ce tableau en citant les musiciens de blues et de jazz qui, voulant aller à l’encontre d’un mythe très répandu selon lequel blues et jazz étaient les musiques du diable (devil’s music), incorporèrent des Negro Spirituals, des Jubilee Songs et, plus tard, des gospels à leur répertoire comme, parmi beaucoup d’autres, l’Impératrice du Blues elle-même, Bessie Smith ou le fondateur du Mississippi blues rural Charley Patton mais aussi Blind Willie et Kate McTell, Thomas A. Dorsey, Louis Armstrong, les Chicago Sanctified Singers avec Big Bill Broonzy, etc. La liste est loin d’être exhaustive.
Golden Gate Quartet early songGospel train-Rock my soul (Youtube) | Charley Patton Jesus is a dying bed maker (Youtube) |
Blind Willie McTellPearly gates(Youtube) |