Les musiques religieuses noires, de 1865 à nos jours

Les Gospel songs

DorseyC’est Thomas Andrew Dorsey  (1899-1993) qui  révolutionna le domaine de la musique religieuse africaine-américaine en 1935 suite au décès de sa femme en couches. Il fut littéralement le Père de la musique Gospel. Il avait été le pianiste attitré de la «Mère du Blues», Gertrude « Ma » Rainey, une des plus célèbres chanteuses de blues dit classique des années 20, puis il avait été pianiste de barrelhouse et de boogie woogie à Chicago sous le nom de Georgia Tom, avant de former un duo avec le guitariste Tampa Red et de devenir, à eux deux, les fondateurs et spécialistes du Hokum Blues, un blues très festif et aux paroles souvent pornographiques comme «Tight like that ».

Malgré cela, Dorsey était très intéressé par  la musique religieuse noire depuis longtemps et, dès le début des années ’30, il travailla régulièrement avec des églises de son quartier du South Side à Chicago, en particulier avec la Pilgrim Baptist Church sur Indiana Avenue dont il organisa les diverses chorales et où il fut le directeur musical de 1932 jusqu’à la fin des années ‘70 . En 1933, il fonda la National Convention of Gospel Choir qui organisa une compétition annuelle de chorales religieuses, chaque fois dans une ville différente et, en 1935, suite à son drame personnel, il décida de laisser carrément tomber sa vie de bluesman et de se consacrer entièrement à la musique religieuse.

Il prôna une réforme en profondeur pour dépoussiérer ce qui existait. En fait, son idée était simple : écrire des morceaux avec des paroles inspirées par les Évangiles (Gospels) et des faits de la vie courante en dialoguant familièrement avec les Apôtres, Jésus, Marie et le Saint Esprit mais sur des musiques et des rythmes de blues surtout et, un peu, du jazz, en somme son bagage personnel.

Sallie-Cora martin SMartin Il écrivit sans relâche, il accumula des dizaines et des dizaines de compositions originales, bourrées de swing et de rythmes syncopés sur des mélodies plaisantes, des Gospel Songs souvent qualifiés de Gospel Blues et il s’associa avec une chanteuse, Sallie Martin avec laquelle il  alla présenter ses compositions un peu partout dans l’Amérique noire.

De G à D : Necie Morris, Kenneth Morris et Sallie Martin, c.1940
 

Lentement mais sûrement, il fit une quasi-unanimité. Ses compositions étaient sur partitions, il en avait le copyright et il les vendit par milliers d’exemplaires. En outre il devint talent scout, chercheur de talents, et il découvrit Mahalia Jackson, Brother Joe May, James Cleveland et des dizaines d’artistes qui furent les grandes vedettes du Gospel de l’Âge d’Or  (1935-c.1970).

Bien sûr, la 2e Guerre mondiale vint ralentir quelque peu ces activités mais dès 1945, tout redémarra en fanfare et Dorsey devint une icône du Gospel. Il le demeura jusqu’à sa mort en 1993, en  laissant derrière lui des centaines de compositions qui sont toujours au répertoire de tous les groupes religieux, comme Take my hand Precious Lord,  If you see my savior, Peace in the valley, God is good to me, A little talk with Jesus, That’s good news, etc, etc. Là où les Blues parlent de mauvaises nouvelles (morts, accidents, sexe, problèmes de couple, maladies, drogue) et sont donc la musique des bad news, les chansons de Dorsey sont toujours positives, elles sont le vecteur des bonnes nouvelles. Les Gospels sont donc les symboles des good news.

TampaRed FatherofGospel Ifyousee preciousLord
Thomas A. Dorsey/Tampa Red :Tight like that (Youtube)
Thomas Dorsey, the father of gospel music (Youtube)
If you see my savior
(Youtube)
Take my hand, Precious Lord
(Youtube)

 

Les conséquences de la 2e guerre mondiale sur les musiques africaines américaines

Tindley LucieCampbellLa seconde guerre mondiale  apporta son lot de changements dans la société américaine.

- Beaucoup de musiciens/chanteurs mâles étant sous les drapeaux, de nombreux groupes féminins se créèrent et poursuivirent leur carrière après la  guerre.
- Le Petrillo Ban (1942-1944) se traduisit par une grève des musiciens syndiqués et donc des enregistrements mais les groupes de gospel eurent leurs églises où chanter et aussi la radio qui touchait beaucoup de foyers, pour faire leur promotion.
- Les moyens d’enregistrement se démocratisèrent et après la guerre, des centaines de petites compagnies indépendantes purent se créer et donner leur chance à toute une série de groupes et de chanteurs qui étaient refoulés par les « majors ». Certaines de ces compagnies s’intéressèrent au  blues…et au gospel : Apollo, Savoy, Peacock, Nashboro, Specialty, Jewel,  Herald, King...
- Il devint possible d’électrifier les instruments de musique sur une grande échelle  et donc de les amplifier. 
- Les stations de radio  se multiplièrent et nombre d’artistes furent prêts à tout  – même à payer les D.J.’s – pour que leurs disques passent sur antenne.
- Cela alla de pair avec la notoriété et l’importance des D.J.s noirs.
- Certaines chorales de gospel comme les Wings of Jordan bâtirent toute leur carrière sur la radio, avec succès.

Illustrations : Charles A. Tindley - Lucie Campbell

 

Beaucoup plus d’artistes ayant accès au disque et à la radio, il fallut compter avec les compositeurs, il fallut des maisons d’édition de partitions et tout le business que cela impliquait. En ce qui concerne le gospel, parmi les nouveaux compositeurs on retrouva ceux qui avaient débuté avant 1940 comme Lucie Campbell et  Charles A. Tindley  et tous les petits nouveaux comme Thomas A. Dorsey bien sûr, Roberta Martin, Kenneth Morris, Herbert W. Brewster, etc.

Un nouveau média, la télévision, vint encore augmenter la visibilité des musiciens de tous les styles populaires et, dès la fin des années 50, le phénomène des festivals en plein air démarra avec de nouveaux débouchés pour les musiciens de variétés, de jazz, de blues et de gospel.

 

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