Michel Fourgon, la musique, et tous les arts en filigrane

filigranesLe premier disque monographique du compositeur liégeois Michel Fourgon est paru tout récemment. « Filigranes » rassemble quatre œuvres symphoniques commandées et créées par l’OPRL entre 2001 et 2010, sous la direction de Pascal Rophé.

C’est avec Patrick Lenfant et Claude Ledoux que Michel Fourgon a effectué ses études musicales, entre 1987 et 1994. Parallèlement, il obtient en 1992 à l’Université de Liège une Licence en Arts et Sciences de la Musique puis une bourse de recherche au FNRS. Pendant trois ans, sous la direction d’Henri Pousseur, il mène des recherches doctorales consacrées à l’étude des relations entre le son et le mot au cours de l’histoire, un sujet qui le passionne toujours. Nommé au Conservatoire de Liège, il abandonne sa thèse pour l’enseignement de l’Histoire de la musique et de la Composition. Mais ses recherches donnent lieu à  la réalisation de spectacles de théâtre musical, en collaboration avec le metteur en scène Michael Delaunoy, notamment autour des Chants de Maldoror de Lautréamont (créé en 2000 avec l’Ensemble Musiques Nouvelles). Il continuera dans ses compositions à donner une place importante au texte et à la voix humaine.

Sa musique ne se rattache à aucun courant ni à aucune école, même s’il s’avoue très redevable de ses prédécesseurs dans l’histoire de la musique depuis l’Antiquité et reconnaît qu’il trouve volontiers une forme d’inspiration par exemple dans les œuvres de Berio, de Nono, d’Henri Pousseur ou de Pierre Bartholomée. En outre, il nourrit son inspiration de nombreux arts non-musicaux : Si la littérature, et singulièrement la poésie, occupe une place toute particulière dans son œuvre, sa musique, dans ses couleurs et ses rythmes, évoque constamment la peinture, la photographie, le cinéma, la philosophie…  Ce qui est intéressant dans son approche des arts, c’est qu’il n’essaie pas d’illustrer une œuvre ou de la transformer en musique, il s’intéresse plutôt à ce qu’elle dégage, aux émotions dont il s’imprègne et à partir desquelles il crée autre chose.

FOURGON Michel (c) Isabelle FrançaixQuand il compose, il ne cherche pas à plaire au public, mais on sent qu’il cherche à communiquer avec lui, à faire passer des émotions. Il ne fait pas partie de ces compositeurs hermétiques, bien au contraire. Il souhaite emmener les auditeurs dans son univers :  « Je me mets tout entier dans ma musique, ce que je pense, ce que je suis, mes émotions, ma vie. Je ne crois pas en la séparation de l'art et de la vie. La vie est un art et l'art est un reflet à la fois cruel et magique de la vie(comme dans les pièces de Shakespeare). Ceci est pour moi complètement imbriqué. Si l'on laisse une trace de vie dans ce que l'on écrit, celui ou celle qui écoute n'identifie pas nécessairement de quoi il s'agit, mais je crois qu'il sent quelque chose et qu'il peut ainsi partir vers des territoires inexplorés de son propre être. »

Michel Fourgon © Isabelle Françaix

 

Filigranes

Michel Fourgon aime se renouveler constamment, aller toujours au-delà, d’explorer de nouveaux univers.   Les quatre œuvres de Filigranes témoignent bien de ce souci de diversité.

OPRL2008La première pièce du CD, intitulée Le tracé s’envole (2010), est écrite sur deux textes de Corinne Hoex entremêlés.  « J'ai essayé d’y rendre musicalement ma perception de la mer du nord : les couleurs, les sons, l'odeur, la sensation de l'eau, des vagues et du vent. Dans ses poèmes, l'écrivaine était très proche de ma propre perception.»

OPRL dirigé par Pascal Rophé © S. Dado

 

Filigranes (2006) invoque des univers extra-musicaux aussi variés que Federico Fellini, Piet Mondrian, Marcel Proust, Lautréamont et Nicolas de Staël, qui structurent la pièce en cinq parties.
« J'aime en littérature ce qui se trouve aux limites de l'écriture, ce qui nous confronte en posant question, comme c'est le cas chez Lautréamont ou Proust. J’aime insérer dans ma musique des allusions à d’autres univers. Je m'inspire très souvent des autres arts pour composer. J'aime aussi beaucoup travailler avec des artistes autres que les musiciens. Cela me fait « sortir de moi-même », si je puis dire, et je peux ainsi découvrir toutes sortes de choses nouvelles. J'aime aller vers l'inconnu, vers la rencontre improbable et vers ce qui me détourne du « ronron » un peu compassé des milieux de la musique dite contemporaine».  

Tout autre univers encore, pour La brise du roseau (2004), œuvre pour clarinette et orchestre, écrite pour Jean-Pierre Peuvion, où se rencontrent une mélodie traditionnelle palestinienne et une citation de Mahler, compositeur d’origine juive, qui a souffert de l’antisémitisme des Viennois. 

Cori Spezzati (2001)  « Chœurs séparés »,  utilise une technique de la Venise de la Renaissance, puisqu’un coro, un ensemble de huit musiciens, doit être placé derrière le public, pour répondre à l’orchestre. L’œuvre trouve son inspiration dans des pièces de Giovanni Gabrielli et de Pierre Bartholomée, avec des allusions à la musique sérielle et l’avant-garde américaine.

 

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