La musique dans l'Amérique coloniale et dans l'Amérique indépendante

Sur le plan musical

Dans les églises - Musiques religieuses

Au total, il y eut peu de styles différents, au contraire des musiques profanes mais TOUS les Africains Américains allèrent à l’ église (cela n’a guère changé de nos jours) et TOUS y chantèrent les cantiques du temps, à l’église mais aussi en famille.

Isaac WattsAu 17e s., les Noirs du Nord, admis dans les églises baptistes, presbytériennes, anglicanes ou autres, fréquentées par leurs maîtres, chantèrent, comme eux, des psaumes qui étaient de simples versets de la Bible débités sur des mélodies minimalistes. Les Noirs du Sud  y eurent accès dans la 2e moitié du 18e s. seulement, à une époque où les psaumes faisaient progressivement place aux hymnes, des poèmes religieux basés sur des versets de la Bible et associés à des mélodies populaires dans la société civile ; c’était la conséquence du Grand Réveil Religieux (Great Awakening) de 1730 quand, en Angleterre, les Frères Wesley décidèrent de remanier méthodiquement les services religieux protestants et les chants qu’on y pratiquait pour les rendre plus vivants et plus attirants pour une population analphabète. Ils prêchèrent en public, dans des maisons particulières plutôt que dans des églises, fondant ainsi une nouvelle dénomination, le Méthodisme. Ce mouvement était en gestation depuis le début de ce siècle avec la publication en 1707 du premier Hymnaire compilé par un autre anti-conformiste,  le Dr. Isaac Watts : « Hymns and Spiritual Songs ».

Isaac Watts
 

Au Nouveau monde, c’est l’Église Baptiste qui attira les Africains pauvres et les ouvriers, les gens de condition modeste et les esclaves mais l’Église Méthodiste eut aussi du succès, recrutant les Noirs des classes moyennes, les artisans, les Gens Libres de Couleur.  Les autres dénominations (Églises Presbytérienne, Anglicane…) n’ayant d’écho que dans la bourgeoisie noire (en formation au Nord) et auprès des intellectuels encore fort peu nombreux et uniquement dans le Nord.

Mais après 1775, une Église Noire, une Black Church, apparut, prenant ses distances avec les Églises-mères blanches, tant locales qu’européennes. Les Baptistes et les Méthodistes noirs donnèrent l’exemple mais ils furent suivis rapidement par les Catholiques et les Presbytériens. Des congrégations noires autonomes virent le jour puis des paroisses noires avec des pasteurs noirs.

Tout s’emballa à la suite d’un second réveil religieux vers 1780. Des Églises noires se fragmentèrent en sectes indépendantes comme L’ A.M.E. Church (African Methodist Episcopal) de Philadelphie et  la Zion A.M.E.Church à New York mais d’autres sectes catholiques, baptistes, presbytériennes apparurent dans les année 1790.

Ce Second Awakening eut d’autres conséquences. Les masses populaires considérèrent les hymnes comme dépassés, elles voulurent de nouveaux chants religieux, ce furent, dans un premier temps, les Tabernacle songs qui apparurent entre 1780 et 1830, dans les Camp Meetings, des rassemblements en plein air, dans de vastes champs ou clairières. Des milliers de blancs pauvres et de noirs esclaves ou affranchis mais pauvres s’y pressèrent ;  sous tente (tabernacle),  une foule de prêcheurs (blancs et noirs) se succédèrent et leurs diatribes enflammées sur des passages de la Bible et des Évangiles furent entrecoupées de chants interprétés en commun. Sous l’influence des Africains-Américains (souvent majoritaires dans ces Camp Meetings) les Tabernacle Songs inclurent des caractéristiques africaines (canevas appel-réponse, polyrythmie…).

Dans les églises noires on pratiqua les Lining hymns  et les  Shouts (en chantant, les fidèles criaient, frappaient le sol des pieds et se donnaient des claques sur les cuisses). Dès lors, à la veille de la Guerre Civile, on put parler de chants inspirés, les Spirituals, précurseurs des Negro Spirituals (après 1865).

heavenlyHome father
Lining Hymn: Heavenly Home
(Got to Take a Journey)
(Youtube)
Lining Hymn:Father I Stretch
My Hands to Thee
(Youtube)

 

Musiques profanes

SlaveryinAmericaLes chants profanes étaient plus diversifiés que les chants religieux mais chaque catégorie ne concernait que des groupes plus restreints d’amateurs et d’interprètes. On avait les Work songs des équipes de bucherons et des scieurs de long, ceux des mineurs (charbon, fer...), des poseurs de rails de chemin de fer, les Railroad songs, ceux des collecteurs de térébenthine dans les forêts de résineux (Turpentine songs). Il y avait aussi les cris des conducteurs de mules ou du paysan qui trompait sa solitude, sa peur ou sa fatigue en ponctuant son travail de cris plus ou moins articulés et complexes, on les appelait  (Field) Hollers , Whoops ou Arhoolies ; il y avait aussi les Street cries des marchandes des 4 saisons et des commerçants ambulants, des chants parfois complexes et nuancés, sans oublier les chants à danser et les rondes, les Ring games, avec Ring shouts, les berceuses et les chansons enfantines, les chants satiriques et à double sens, les Narrative songs, les chants de douleur et d’affliction et de nombreuses variantes. On n’oubliera pas les Plantation songs et Cake walks dont on reparlera dans le chapitre Jazz, car ils font partie de ses nombreux précurseurs, avec les marches, les fifres et tambours et les instruments à vent des fanfare militaires et civiles (les fife and drum bands).

 

USmilitary DrumBand OldGuardFife civilwar
US military drum band
(Youtube)
Old guard fife and drum band
(Youtube)
Civil war fife and drums
(Youtube)
 

Conclusion

Qu’ils soient religieux ou profanes, tous les chants repris par les Africains Américains conptèrent de plus en plus des caractéristiques  africaines : ils furent largement improvisés et adoptèrent le canevas appel-réponse sur mode mineur (accumulation de notes bémolisées, les Blue notes), les rythmes furent syncopés et tellement complexes qu’il était impossible de les transcrire (il fallut attendre les techniques d’enregistrement qui apparurent au début du 20e s. pour y parvenir). Comme en Afrique, la musique devint inséparable d’une activité corporelle et sociale, qu’il s‘agisse de plaisir, de fête, de travail ou de culte

 

Robert Sacré
Août 2015

 

 


 

 

BookerTWashingtonPour en savoir plus
 
Dena J. Epstein, Sinful Tunes & Spirituals – Black Folk Music to the Civil War, University of Illinois Press, 1977
Charles Hamm, Music in the new world, W.W. Norton & Co., New York London, 1983
Readings in black American music,  ed. By Eileen Southern, W.W.Norton & Co, 1983
Eileen Southern, The music of  Black Americans - A History,  3rd Ed., 1997, W.W.Norton & Co.
Booker T. Washington , Autobiography : Up from Slavery, Doubleday 1901 ; Penguin Classics, 1986 

Fiction
William Styron, The confessions of Nat Turner, 1966, Signet Books ; en Français : Folio 1425
Harriet Beecher-Stowe, Uncle Tom's Cabin, 1851  (Bantam Books reprint 1981)
Alex Haley (1976), Roots, Dell Publ./Bantam + Série TV en coffret DVDs “Racines” WB Z10 37456 ( 3 DVDs , 6 épisodes)
Margaret Walker, Jubilee, Bantam Books, 1966
David Pesci, Amistad, 1997, J'ai Lu 4886 + Film ( Spielberg ) en DVD
Barbara Chase-Riboud, Le nègre de l'Amistad,  Albin Michel 1989

 

 

 

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