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«Dans le bleu de ses silences», premier roman de la Liégeoise Marie Celentin

«Dans le bleu de ses silences», premier roman de la Liégeoise Marie Celentin

celentinNées il y a 23 ans, les Éditions Luce Wilquin basées à Avin, un village situé aux confins de la province de Liège, publient leur 500e titre, Dans le bleu de ses silences, l’ambitieux premier roman d’une Liégeoise de 37 ans, Marie Celentin, ancienne étudiante de l'ULg. Une plongée intimiste de plusieurs centaines de pages au cœur d’Alexandrie au troisième siècle avant notre ère.

Dans le bleu de ses silences est né d’une «rencontre» entre Marie Celentin, diplômée en Philologie classique et en Langue et Littérature orientales de l’ULg, actuellement professeure de latin-grec à Liège 1, et Bérénice, fille des souverains d’Égypte Ptolémée II et d’Arsinoé I. Née en 278 avant J.-C., cette princesse est un enfant à part, «fuyant tous les regards avec application», ne témoignant nulle émotion, ni joie, ni tristesse, avant de devenir une jeune fille fragile et solitaire, de «nature exotique», protégée du monde extérieur par son médecin, Aristarque de Calydon, et sa suivante, Diounout. Elle est néanmoins mariée par son père à son ancien ennemi séleucide, Antiochos II, «en guise d’accord de paix» au terme de la guerre en Syrie. D’où le nom qui lui est accolé, Phernèphoros, «celle qui apporte la dot». «Elle est emblématique de toutes ces femmes qui traversent leur temps sur la pointe des pieds, destinées dès leur naissance à servir de clauses annexes à des traites diplomatiques», commente l’auteure.

Le roman s’ouvre en -274, quelques années après l’accession au trône de Ptolémée II, par une grande fête suivie d’un banquet, la deuxième Ptolémaia, festivités caractéristiques du règne de celui qui donna à Alexandrie son lustre culturel. En près de neuf cents pages, la primo-romancière fait revivre la plus prestigieuse des trente-deux villes bâties par le fils de Philippe, Alexandre le Grand, un roi macédonien «qui parlait grec» mais qui, mourant jeune, ne la verra jamais construite. Grâce à sa bibliothèque, son musée et son phare, mais aussi à ses palais et jardins, la cité va rayonner pendant plusieurs siècles sur cette partie du monde. Tout en étant interdite aux Egyptiens par ordonnance royale, sauf «à s’acquitter d’une taxe exorbitante». «Alexandrie était grecque et se méfiait de la caste innombrable et laborieuse qui assurait la production des richesses qui faisaient son quotidien», peut-on lire.

MarieCelentinMarie Celentin fait revivre la capitale hellène en multipliant les personnages dont nous suivons les chemins pendant une vingtaine d’années. Certains sont issus de la famille royale – dont Arsinoé, la sœur de Ptolémée II, prête à tout pour abattre Arsinoé I, l’épouse royale –, de son entourage ou de l’administration publique – notamment les directeurs successifs de la Bibliothèque, Zénodote puis Apollonios (et son esclave égyptien Nathanyah). D’autres sont des Alexandrins – comme l’armurier Démétrios qui, à la demande de son beau-père, le banquier Peisiclès, enquête sur le meurtre d’un couple de Thessaliens et de leur fils quatre ans plus tard – ou vivent à Philadelphie, une ville située plus au sud – tel Zénon de Caunos, intendant du domaine du ministre des Finances. On croise aussi Ogulnius, Gurgès et son fils Titus, des Romains venus y installer une ambassade, Rome n’ayant pas encore l’importance qu’elle acquerra plus tard. Et chaque partie se referme sur le récit de l’un de ses protagonistes, à l’instar des chants lyriques propre à la tragédie grecque dont l’auteure a voulu conserver le schéma traditionnel.

Sous les dehors d’une fresque historique, Dans le bleu de ses silences est d’abord un roman intimiste. Il n’y a ici ni scène de foule ou de guerre, ni envolées lyriques ou souffle épique, mais plutôt une volonté, chez Marie Celentin, de se tenir au plus près de ses héros pris dans leur quotidien, animés par des pensées, craintes et désirs qui sont ceux de tout être humain. Lectrice à dix ans d’une biographie romanesque d’Aliénor d’Aquitaine, la future romancière a mené des recherches pendant dix ans avant, arrivée à la trentaine, de se mettre au travail. Et de publier, à 37 ans, un livre qui surprend et enthousiasme par sa maturité, tant dans la maîtrise de sa trame romanesque que dans sa construction, sa mise en scène des situations et personnages et son écriture d’une grande fluidité.

 

Michel Paquot
Février 2015

 

crayongris2Michel Paquot est journaliste indépendant et chroniqueur littéraire

 


 

 

Marie Celentin, Dans le bleu de ses silences, Éditions Luce Wilquin, février 2015, 888 pages.


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