Benoît Peeters, Valéry. Tenter de vivre

PeetersLe 25 juillet 1945, cinq jours après sa mort, Paul Valery a droit à des funérailles nationales. Et dans Le Figaro, André Gide prédit l’immortalité à son œuvre «dont le rayonnement continuera de s’étendre à travers l’espace et le temps.» Il s’est trompé, comme le note Benoît Peeters dans sa préface, déplorant «l’oubli et presque dédain dans lesquels (…) est aujourd’hui tenu» cet écrivain qui connut «une gloire immense» à partir des années 1920. Malgré Hayao Miyazaki qui lui rend «superbement» hommage dans Le Vent se lève, l’auteur de Monsieur Teste, du Cimetière marin, de La Jeune Parque ou de Mon Faust est «devenu synonyme de grisaille, de froideur et d’ennui». Pas pour le complice de François Schuiten dans l’édification des Cités obscures ou le biographe d’Hergé et Derrida dont l’adolescence a été bercée par sa poésie, au point de lui consacrer en 1989, à 30 ans passés, une biographie, Paul Valéry, une vie d’écrivain? S’il revient vers lui vingt-cinq ans plus tard, c’est parce qu’il est convaincu de la «fécondité» de sa poésie, de la beauté de ses proses et de la modernité de ses Cahiers. Mais surtout par fascination pour sa «trajectoire véritablement romanesque». Oscillant entre chronologie et thématisme, jalonnant son texte de nombreuses lettres ou témoignages, Benoît Peeters retrace le parcours en zigzags de ce «provincial loin du grand brasier de Paris», comme ce Sétois se définit lui-même. Une vie qui a croisé celle de grands écrivains – Pierre Louÿs, son intime pendant 30 ans, Gide, Mallarmé, Schwob, Breton (jusqu’à son entrée à l’Académie française, où il reçoit Pétain) –, dans une époque chaotique, des dernières décennies du 20e siècle à la Libération en passant par l’Affaire Dreyfus (il est fermement antidreyfusard) et les deux guerres mondiales. Puisse, ce livre consacré à ce «Bossuet de la Troisième République», qu’écrire avait fini par peser, «donner de nouvelles raisons de s’y intéresser»

Benoît Peeters, Valéry. Tenter de vivre (Flammarion)

À propos de Benoît Peeters
Voir aussi «Les Cités Obscures» de Schuiten et Peeters lauréats au Japon
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Benoît Peeters, 1er biographe de Derrida
« La culture est peut-être la meilleure façon de croire à la transcendance »

 

Écrivains ULgistes - recension 2014
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