Le Moyen Âge dans les jeux vidéo

On pourrait également citer ici la série de jeux de rôle Fable (Lionhead Studios, Microsoft, 2004 pour le premier opus). Celle-ci fonde une partie de son gameplay sur les oppositions manichéennes qui caractérisent souvent les fictions médiévales-fantastiques (opposition entre lumière et ténèbres, bien et mal, magie blanche et magie noire,…) : chaque jeu de la franchise propose effectivement au joueur de choisir l’orientation morale de ses actes (sauvera-t-il les villageois d’une bande de voleurs ou participera-t-il au pillage, par exemple ?), avec pour conséquence de rendre son avatar soit angélique, soit démoniaque.

 

fable TheElderScrollsV

Les jeux de la série Fable permettent au joueur de choisir l'orientation morale de son personnage -Le jeu The Elder Scrolls V : Skyrim se déroule dans un monde ravagé par les dragons
 
 
 

MyghtyQuestL’imaginaire médiéval ne s’est toutefois pas contenté d’inspirer les développeurs de jeux de rôle et a parfois donné lieu à des expérimentations génériques plus inattendues. Ainsi le récent jeu d’« action-stratégie » The Mighty Quest for Epic Loot (Ubisoft, 2014) fonde-t-il son principe sur le symbole médiéval qu’est le donjon : le joueur y est invité à construire sa propre tour et à la parsemer de pièges pour empêcher les autres utilisateurs d’y pénétrer et de lui dérober ses trésors. Ensuite, lors d’une autre phase de jeu, il peut attaquer, à l’aide de son avatar, les édifices élaborés par les autres joueurs pour tenter lui-même de les piller (les éventuels gains pouvant alors être utilisés pour améliorer les pièges de sa propriété). Notons que l’esthétique de l’œuvre se caractérise par une forte tendance humoristique, laissant ainsi à penser que la fréquence du recours au médiéval-fantastique dans le jeu vidéo constitue également une porte ouverte à la parodie.

 Construction d'un donjon dans The Mighty Quest for Epic Loot

 

Enfin, notons que le Moyen Âge occidental n’est pas la seule source d’inspiration médiévale-fantastique des jeux vidéo : le Japon féodal, ses légendes et ses mythes ont aussi influencé certains développeurs. En témoigne le ravissant Ōkami (Clover Studio, Capcom, 2006), jeu d’action-aventure dans lequel le joueur manipule un loup blanc, lui-même incarnation de la déesse shintoïste Amaterasu. À l’aide d’un « pinceau céleste » et de différents mouvements de calligraphie, l’utilisateur devra ramener la vie dans un univers envahi par les ténèbres et dont les graphismes s’inspirent des estampes japonaises.

 

Okami

Le jeu Ōkami prend place dans un Japon médiéval fantasmé, représenté sous forme d'estampes
et avec lequel le joueur peut interagir via l'utilisation d'un pinceau
 

Le présent inventaire est très loin d’être exhaustif et s’est, en vérité, limité à une série de titres à succès (qu’il s’agisse de succès critiques ou commerciaux). Il suffit toutefois à souligner l’importance des thématiques médiévales au sein des jeux vidéo et ce, indépendamment de l’évolution du médium : présent dès les débuts de son histoire et encore populaire aujourd’hui, couvrant un large panel de genres vidéoludiques, suffisamment familier des joueurs pour autoriser les développements parodiques, le Moyen Âge dans les jeux semble encore avoir un bel avenir devant lui.

 

Fanny Barnabé et Björn-Olav Dozo
Novembre 2014

 

crayongris2Fanny Barnabé est chercheuse au service de sociologie de la littérature. Ses recherches doctorales portent sur la narrativité des univers fictionnels et la réappropriation des univers fictionnels par le lecteur. Elle a récemment publié Narration et jeu vidéo.

crayongris2Björn-Olav Dozo enseigne les Humanités numériques et les Cultures populaires à l'ULg. Ses recherches s'inscrivent dans ces domaines. Il dirige aussi la collection d'ouvrages «Culture contemporaine» de Beebooks.

 

Voir aussi : DOSSIER/Les jeux vidéo

 

Page : précédente 1 2 3 4