Fabrizio Cassol, d'Aka Moon : «Mon saxophone est le prolongement de mon corps»

AkaMoonRencontre avec Fabrizio Cassol, saxophoniste du groupe Aka Moon, lors de son concert à Liège, lors du Festival des Nuits de Septembre 2014

 

Des scènes jazz aux grandes institutions musicales classiques, le compositeur et saxophoniste belge Fabrizio Cassol aura marqué plusieurs générations de musiciens depuis les années 1980.

Le saxophone est son instrument. Il est « le prolongement de sa main et de son corps », confie-t-il. Un instrument qui l’accompagne partout et qui trouve sa place dans la plupart de ses projets, qu’il s’agisse de nouvelles compositions, de relectures d’œuvres du passé ou d’improvisation.

C’est au Conservatoire royal de Liège, alors dirigé par Henri Pousseur, que Fabrizio Cassol étudie de 1982 à 1985. Il y obtient un premier prix de saxophone et un diplôme supérieur de musique de chambre. Sous l’impulsion des réformes mises en place par Pousseur, l’institution liégeoise s’était ouverte à d’autres formes de pédagogie, moins dogmatiques, en dialogue avec la création contemporaine. On y trouvait alors un séminaire de jazz, un studio de musique électronique, une classe d’improvisation dirigée par Garrett List, un cours de composition assuré par le compositeur américain Frederic Rzewski et de nombreux séminaires où défilent des invités plus intéressants les uns que les autres dont le légendaire Steve Lacy, avec qui Cassol joue le jour de ses vingt ans. C’est dans ce climat marqué du vent de la nouveauté et de l’expérimentation que Fabrizio fait ses classes. Il est alors déjà très actif sur scène, jouant aux côtés du saxophoniste liégeois Jacques Pelzer notamment. « Trio Bravo », l’un de ses premiers projets, mêle les différents courants qu’il fréquente : un tuba (Michel Massot), un saxophone et une batterie (Michel Debrulle), qualifiés de « rock » en Allemagne, de « free-Jazz » en France, de « free-Funk et même de « jazz-Rock » en Belgique. En 1989, Cassol figure parmi les fondateurs du Kaai, un club de jazz bruxellois qui devient une sorte de laboratoire des musiques improvisées. Le saxophoniste s’y produit tout d’abord avec « Nasa Na », un projet de Pierre Vandormael puis avec « Aka Moon », son trio devenu aujourd’hui incontournable et fondé, avec Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland, au retour d’un voyage déterminant chez les Pygmées Aka de la république Centre-Afrique. Le voyage chez les Aka est le premier d’une longue série permettant à Aka Moon d’explorer les traditions africaines, indiennes, maghrébines, cubaines, arabes, afro-américaines et européennes et de se construire un univers rythmique et harmonique inédit. Cassol y noue des rencontres déterminantes (la diva malienne Oumou Sangare, le maître indien Umayalpuram K. Sivaraman et le maître sénégalais Doudou N’diaye Rose notamment…) et élabore un parcours marqué par une recherche permanente, qui se ressource au creux des traditions musicales du monde.

Une insatiable curiosité caractérise le musicien. Cassol s’associe régulièrement au monde de la danse (Anne Teresa de Keersmaeker/ROSAS, Alain Platel/Les Ballets C de la B, le Samoan Lemi Ponifasio/Mao company, le congolais Faustin Linyekula/studio Kabako), de l’opéra (Philippe Boesmans) ou encore du théâtre (TJ Stan ; la Comédie française de Paris). En toile de fond de ces collaborations, se poursuit sa recherche touchant aux différentes traditions (musique du monde, chant lyrique, baroque, gyspy, jazz), à l’expression vocale et à la composition qu’il définit en prolongement de l’improvisation et vice-versa.

Cassol est régulièrement sollicité pour composer à destination d’ensembles de musique contemporaine, tels Ictus, le quatuor Danel etc. Proche de la scène new-yorkaise, il collabore en outre avec des musiciens tels que Marc Turner, David Gilmore, Robin Eubanks, Joe Lovano. Le facteur d’instruments François Louis s’associe à lui pour la création d’un nouvel instrument à vent, l’aulochrome joué à par Joe Lovano. Cassol créera Fanfare III de Philippe Boesmans, conçue pour cet instrument en soliste, soutenu par l’orchestre de la SWR (Baden-Baden) sous la direction de Sylvain Cambreling à Radio France en 2002 et de Ono Kazushi à Bozar (Bruxelles).

Après une longue collaboration avec le KVS (théâtre royal flamand) et une résidence à La Monnaie sous la direction de Bernard Foccroule, Fabrizio Cassol est depuis 2012 « artiste résident » à la Fondation de l’Abbaye Royaumont près de Paris où il poursuit  l'étude des cultures du monde. En 2014, il est l’invité d’honneur du Festival de Wallonie.

 Sa pratique des musiques de traditions orales et écrites l'amène à donner régulièrement des ateliers et des master-classes aux quatre coins du monde.

Émilie Corswarem
Novembre 2014

 

Émilienne Renier et Tiou Nguyen ont recueilli les propos de Fabrizio Cassol :

 

 

 

crayongris2Émilie Corswarem enseigne l'histoire de la musique à l'ULg. Ses travaux portent  notamment sur les rapports entre musique et pouvoirs.

crayongris2Émilienne Renier est étudiante en Musicologie 

 

crayongris2Tiou Nguyen est étudiante Arts et Sciences de la Communication et s'intéresse particulièrement au journalisme vidéo.