L’Université de Liège pendant la guerre 1914-1918
cafeBätiment du café-restaurant de M.Jonet, entre la rue de l'Université et la place Cockerill incendié le 20 août.

 

Dans le chaos général, une douzaine de soldats allemands furent atteints par  les balles de leurs camarades. On eût dit que les soldats allemands étaient atteints d’une véritable hystérie collective puisque la fusillade se propagea ensuite dans plusieurs quartiers de la ville. L’artillerie elle-même s’en mêla. Imaginant une attaque ennemie depuis la rive gauche, un canon établi sur la rive droite au quai des Pêcheurs – l’actuel quai Van Beneden – bombarda les immeubles du quai sur Meuse, éventrant cinq maisons.

En Outremeuse, un grand nombre de maisons de la rue de Pitteurs furent également détruites par les flammes, emportant dans la mort cinq de leurs habitants. Le professeur Désiré Damas (1877-1959), successeur d’Édouard Van Beneden à la tête de l’Institut de Zoologie et alors directeur d’une ambulance de la Croix rouge, fut arrêté, brutalisé et menacé d’être fusillé avec son frère médecin et le concierge de l’Institut. Les trois hommes étaient accusés d’avoir tiré sur des Allemands. Ils frôlèrent la mort  et ne durent leur salut, de justesse, qu’au témoignage d’un soldat allemand de garde qui déposa, sous la foi du serment, qu’aucun des habitants de l’Institut de Zoologie n’avait tiré.

Le professeur Désiré Damas s’était déjà illustré, quelques jours plus tôt, en empêchant les soldats allemands qui s’y étaient installés de détruire les précieuses collections du Musée d’Histoire naturelle « pour faire de la place ». D’autres bâtiments de l’Université de Liège ne purent hélas se prévaloir d’une telle protection. La bibliothèque souffrit particulièrement de cette occupation forcée. La salle des périodiques et le couloir qui y donnait accès furent transformés en écurie. Dans les salles des livres, les soldats allemands étalèrent des bottes de paille en guise de couchage.

 Chimie industrielle
Laboratoire de Chimie industrielle, novembre 1918. On distingue encore la paille au sol.

 

« J’ai vu les soldats ivres fumer au milieu de ces amas de paille », raconte le professeur Joseph Brassinne, bibliothécaire en chef, « c’est miracle que notre Bibliothèque n’ait pas partagé le sort de celle de Louvain [ndlr : détruite par un incendie]. (…) les soldats découpaient de la viande sur les magnifiques tables de la salle de travail. Partout, on trouvait des bouteilles vides : flacons à champagne, à liqueurs, à vins de Bordeaux et de Bourgogne ». Les rayons des bibliothèques furent rongés par les chevaux dont l’urine se répandait sur le sol tandis que le mobilier en bois alimenta les foyers des cantines. De nombreuses cartes géographiques et géologiques furent dérobées.

PhysiqueOn déplora encore diverses déprédations – mobilier saccagé ou instruments scientifiques dérobés – dans plusieurs auditoires et salles de cours de la Faculté de Philosophie et Lettres, à la Faculté technique, au Laboratoire de Chimie industrielle, aux Instituts de Physique, d’Anatomie, d’Hygiène et de Physiologie. Le physiologiste Léon Frédéricq fut lui-même arrêté sur ordre de la Kommandantur. Son fils, Henri Frédéricq, médecin de bataillon, avait quitté Liège pour rejoindre l’armée. Incarcéré à la Chartreuse, Léon Frédéricq ne fut libéré qu’après deux jours, lorsque son autre fils se fut présenté pour prendre sa place. Après le départ des troupes allemandes vers l’ouest, la bibliothèque continua à faire l’objet d’actes de vandalisme. À proximité de celle-ci, l’Institut de Chimie avait été transformé en lazaret, ce qui assurait une présence allemande continuelle au sein des bâtiments universitaires. En septembre 1914, de nombreux objets d’art de la collection Wittert furent subtilisés tandis que le médailler de la grande salle de la bibliothèque fut fracturé, vraisemblablement par des soldats ou du personnel soignant en provenance du lazaret. En mai 1915, la salle de lecture et le bureau de prêt furent transformés en cantine. À la fin de la guerre, l’Institut de Physiologie et l’Institut électro-technique (Institut Montefiore) furent à nouveau occupés par les Allemands qui y dégradèrent considérablement les locaux et le matériel scientifique entreposé.

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