On peut cependant regretter la suprématie des leaders du marché, surtout Amazon, responsable d’environ 70% des ventes de livres électroniques en 2013, selon Digital Bookworld. Pour Tanguy Habrand, spécialiste de l’édition numérique et chercheur à l’ULg, cette domination peut être vue comme un avantage pour les petits acteurs du marché : «Amazon pose incontestablement un problème majeur à la chaîne du livre traditionnelle : sa vision ne correspond pas au processus de fabrication et de commercialisation défendu jusqu’à présent. La montée en force d’un tel acteur peut néanmoins constituer un atout pour l’industrie du livre. Face à un ennemi commun, les différends internes tendent à s’estomper. Amazon peut donc paradoxalement offrir une chance à la chaîne du livre de perfectionner son organisation interne, de se renouveler.»

En vacances...  les guides touristiques

Si vous comptez emporter votre liseuse ou tablette en vacances, il peut être bien utile d’emporter avec nous un guide de voyage. Pour cela, la tablette (ou le smartphone, les deux sont comparables sur tous les points, sauf, généralement, la taille de l’écran) reste votre meilleure alliée : l’écran monochrome de la liseuse ne permettra pas vraiment de profiter des illustrations. Le vénérable Guide du Routard propose des applications dédiées, mais avec deux bémols de taille : elles ne concernent que dix villes et ne sont disponibles que sur iPad et iPhone. On préférera largement son concurrent supérieur Lonely Planet, qui met à disposition une cinquantaine de guides en français (encore plus en anglais) et ce en différents formats numériques. De plus, il est également possible de n’acheter que certains chapitres d’un guide, et donc de ne payer que ce qui est nécessaire. Pas la peine d’acheter tout l’Australie quand on ne se rend qu’à Sydney.

La fin du livre n'est pas pour demain

Heureusement, il est toujours possible d’emporter avec soi un « vrai » livre, avec des pages qui sentent bon la connaissance, avec des couvertures tantôt classieuses, tantôt criardes. Un livre papier reste pratique en bien des aspects, et n’est pas prêt de disparaître. Après tout, la VHS était censée annoncer la fin du cinéma. Au contraire, le livre numérique pousse les vieilles structures à évoluer, comme ce programme qui pourrait potentiellement offrir une seconde vie aux bouquins oubliés dans un coin. Un livre vous permettra aussi bien plus facilement de lier contact avec un inconnu sur la plage, intrigué par la couverture mystérieuse tenue entre vos mains. Un Kindle, c’est nettement plus impersonnel.

Selon Tanguy Habrand, le livre est là pour durer encore de longues années. « Il faut toujours prendre la mesure des rapports complexes entre les technologies du numérique et le monde du « brick and mortar », le monde en dur. Le courrier électronique n’a pas rendu obsolètes toutes les fonctions de la poste. Nous sommes actuellement dans un régime hybride. C’est la même chose pour le livre. Il est naturel de défendre les projets numériques dans ce qu’ils ont de plus innovant, voire de s’y engager pleinement, mais les professionnels savent aussi s’adapter à un timing. Abandonner le livre aujourd’hui serait aussi aberrant que de stopper la production de véhicules terrestres sous prétexte que la Terre sera un jour recouverte d’eau.»

Vous l’aurez compris, le marché du livre, particulièrement du numérique, est en pleine évolution, tout comme celui de la musique et de tout ce qui a été chamboulé par l’internet. Mais plutôt que d’opposer l’ancien et le moderne, plutôt que de prendre parti pour l’un ou pour l’autre, il semble raisonnable d’observer la situation et de profiter de ce que l’évolution peut apporter au lecteur, qui, si tout se passe bien, en sortira grandi.

 Denis Blairon
Juin 2014

Denis Blairon est journaliste indépendant

Voir aussi le site  lettresnumériques.be : toute l'actualité des éditions numériques, une initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles