Tom Lanoye, La langue de ma mère

LanoyeLa Langue de ma mère est un magnifique roman… Tom Lanoye écrit sur sa mère qui, à la suite d’une attaque cérébrale, « a perdu sa langue ». Il écrit pour son père, le généreux Roger : il se doit, pour lui, de reconstruire sa Josée… L’Amour sous ses diverses formes est au centre du roman. Mais l’Aphasie et ses différentes manifestations bouleversent le paisible tableau flamand du couple de bouchers de Sint-Niklaas. Josée, actrice dans une troupe de théâtre amateur, est touchée là où elle a brillé. Elle vomit désormais son anti-langue, cette écorchure sur le tympan et sur l’âme de son fils.  Tom Lanoye nous conduit lentement vers le moins, qui devient moins que moins et puis plus rien. Sans doute par pudeur, peut-être par crainte de nous présenter la triste réalité, l’auteur retarde le récit de l’accident et nous détourne de l’objet du roman en relatant les épisodes marquants de la vie de sa famille, ainsi que de celle des habitants du quartier où il a grandi. Ces digressions sont nécessaires. Elles sont également savoureuses. Tom Lanoye nous emmène dans son passé, à la rencontre de personnages hauts en couleurs qui se succèdent dans le récit de sa jeunesse. Il peint Sint-Niklaas et son petit monde dans tous les tons, des plus sombres aux plus criards. Le mélange en est harmonieux ou désaccordé… Peu importe, il est authentique et témoigne de la Flandre et de la Belgique « de l’époque ». L’auteur choisit les bons mots, de beaux mots, et parvient à nous transporter dans une perturbante association de sentiments : il nous émeut, nous fait sourire, nous bouleverse.

La traduction française du titre original (Sprakeloos)est à la fois surprenante et réjouissante. En effet, c’est la perte de la langue de sa mère qui entraîne Tom dans l’écriture de ce beau livre, dans sa langue plus que maternelle. Et, à la fin de son roman, il promet de continuer à  lutter contre le silence par sa voix…  Ne soyez jamais sans parole, Monsieur Lanoye ! Ecrivez encore et toujours ! Moi je vous lirai. Et si vous me demandez « Il y en a un peu plus. Je vous le mets, Madame ? », je vous répondrai « Oui, bien sûr ». Et Een beetje ne sera pas suffisant…

 

Véronique Peiffer

Tom Lanoye, La langue de ma mère, trad. Alain Van Crugten, éditions la Différence, 2011, 393 p.

 

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