Coup de projecteur sur le polar français

QuintMichel Quint, Veuve noire

Avec Veuve noire, l’auteur lillois, qui fait partie de la génération apparue au début des années 1980, rappelle qu’il sait intelligemment construire des intrigues et faire vivre des personnages. Il situe sa nouvelle histoire à l’aube des années folles qu’il recrée avec talent sans jamais oublier qu’elles sont l’émanation d'une tragédie, la Première Guerre mondiale. Le 11 novembre 1918, Léonie, dont l’Antoine est mort au champ d’honneur après avoir «ruiné le ménage avec ses folies d’emprunt russe», est abordée puis séduite par Edgar qui se dit chef de rang dans un bal où dansait la Goulue. Il veut s’établir comme marchand d’art, misant sur les cubistes et Dada. Mais après avoir transformé la chambre de sa belle en musée où s’accumulent des Modigliani et des Picasso, le bonhomme disparaît. Et voilà la jeune fille partie, avec un ami photographe, sur les traces de son galant dont ils vont tenter de percer la véritable identité. Leur jeu de piste les plonge dans la vie artistique de l’époque. Et les conduit vers une agence matrimoniale d’un genre spécial. (L’Archipel)

 

LogezFrédéric Logez, On ne pactise pas avec le mal

Lors de travaux d’assainissement dans le parking sous-terrain du quotidien La Voix du Nord, en plein centre de Lille, un corps humain en bon état de conservation est retrouvé recouvert d’un linceul. Selon l’insigne cousu au revers de son pardessus militaire, la victime d’une vingtaine d’années et tué par un balle tirée à bout portant aurait fait partie des blindés britanniques qui, en avril 1945, ont libéré le camp de Bergen-Belsen. Mais ses vêtements sont trop grands, son pantalon trop large. Disposant de peu d’indices – la photo d’une jeune fille, deux cartes de rationnement, un télégramme partiellement illisible, un papier vierge plié en quatre, deux lettres tatouées sur l’avant-bras droit -, le commandant de police Schyers et ses acolytes, La Couronne et Véga, se lancent dans une enquête qui va les plonger dans l’histoire de la capitale des Flandres pendant la Seconde guerre mondiale. L’auteur, dessinateur connu sous le nom de Fred Karltoon, nous entraîne dans un formidable suspense, impeccablement maîtrisé et documenté par lequel il rend hommage à sa région et à ceux qui ont eu le courage de dire «non». (Les lumières de Lille)

 

guerinFrançoise Guérin, Les enfants de la dernière pluie

Apparu en 2007 dans À la vue, à la mort, revenu cinq ans plus tard dans Cherche jeunes filles à croquer, le commandant Lanester se voit confronté, pour sa troisième enquête, au milieu des hôpitaux et des labos pharmaceutiques. Le principal décor est l’Orangerie, un institut psychiatrique pour  séjours de longues durées où son frère est hospitalisé et où il assiste à une défenestration. Le coupable serait un infirmier, pourtant respecté de tous, qui se jette à son tour par la fenêtre. Au fil de ses pérégrinations, le narrateur, personnage touchant par ses incertitudes et ses interrogations introspectives, s’aventure dans un monde nouveau pour lui. Et, guidé par une brillante archiviste, il découvre le mythe fondateur de l’hôpital en même temps que l’histoire de l’aliénation. S’arrêtant notamment à la Première Guerre mondiale qui a provoqué de graves troubles psychiques chez de nombreux poilus. Il va aussi lever le voile sur un pan de son propre passé qui lui était totalement inconnu. (Le Masque)

 

grandEmmanuel Grand, Terminus Belz

C’est par le polar qu’Emmanuel Grand, marqué par l’océan non loin duquel il a passé son enfance, a choisi d’entrer en littérature, et il a bien fait: Terminus Belz est terriblement addictif. Sur l’île de Belz imaginaire, terre bretonne nourrie de légendes, de mystères et de surnaturel, et au-dessus de laquelle plane la célèbre figure de l’Ankou, débarque un jour Marko. Cet Ukrainien d’Odessa pourchassé par la mafia roumaine dont il s’est joué, avec d’autres compatriotes, lors de son passage en France, a été embauché sur un chalutier local. Ce qui déplaît fortement aux autochtones qui, majoritairement au chômage, ne comprennent pas pourquoi ce n’est pas «un marin de île» qui l’a été à sa place. Seuls, pratiquement, le libraire, le prêtre et l’institutrice le soutiennent. Dès lors, lorsqu’un pêcheur qui l’avait pris en grippe est retrouvé mort sur la plage, il fait figure de coupable idéal. Tandis que d’étranges phénomènes troublent encore davantage la vie de cet îlot coupé du monde, il doit faire face à de multiples fronts. (Liana Levi)

 

LedunMarin Ledun, L’homme qui a vu l’homme

À travers ses nombreux polars, dont plusieurs ont été primés – Les Visages écrasés, La guerre des vanités, Modus operandi –, Marin Ledun, docteur en sciences de l’information et de la communication, gratte le verni de notre société pour ne laisser apparaître que ce qu’elle a de moins reluisant : mal de vivre, espionnage, corruption, collusions, etc. Solidement documenté, son nouvel opus est inspiré d’une affaire jamais élucidée: l’enlèvement en avril 2009 de Jon Anza dont le corps n’a été retrouvé qu’un an plus tard. Le héros est un journaliste espagnol qui enquête sur la disparition d’un important militant basque. L’enquête s’avère difficile et à haut risque parce qu’éminemment politique. Mais le jeune homme s’accroche, mettant les pieds sur un terrain particulièrement dangereux où les polices françaises et espagnoles marchent main dans la main, pas toujours en toute légalité ni transparence. Au menu de cette «guerre sale»: manipulations, désinformations, pressions, mensonges, ce qui donnent une image inquiétante des pratiques policières au nom d’une certaine raison d’État. (Ombres noires)

 

crouzetVincent Crouzet, Radioactif

Ce thriller est également inspiré d’une histoire vraie: le rachat en 2007 par Areva, alors dirigée par Anne Lauvergeon, de la société canadienne UraMin, soit trois mines d’uranium, pour un montant – 1,7 milliard d’euros, soit près de 75 fois le prix initial – qui a soulevé des interrogations. Sous la plume de Vincent Crouzet, spécialiste de l’Afrique et auteur de plusieurs romans d’espionnage, le géant du nucléaire français, Murana, achète un producteur d’uranium, Urafrik. En d’autres termes, il met la main sur des mines africaines d’uranium pour quelque 2,5 millions de dollars, un montant jugé faramineux – 5 fois le prix demandé. Le dossier tombe dans les mains du colonel Montserrat, agent de la DGSE en disgrâce rencontré dans le précédent livre de l’auteur, Le Seigneur d’Anvers, où il enquêtait sur le commerce de diamants. Machinations, manipulations, corruptions et autres joyeusetés, sans oublier les services secrets anglais et une rousse fatale, sont au menu de cette enquête particulièrement périlleuse – les intérêts de la France sont en jeu – menée en divers points du globe. (Belfond)

 

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