Coup de projecteur sur le polar français

Parutions récentes

 

MaraveliasÉric Maravélias, La faux soyeuse

La couverture ne ment pas: ce sont bien des «racailles», ces jeunes de banlieue encapuchonnés qui, faute d’avenir, saccagent le présent et se droguent à tout va, les héros de La faux soyeuse, le premier livre autobiographique d’Éric Maravélias, 54 ans. Le narrateur est d’ailleurs l’un d’entre eux, représentant d’«une humanité malade et désenchantée, juxtaposition de détresses», mais qui «peut, des heures durant, accrocher [son] regard sur un simple nuage, à la recherche de quelque jour heureux». L’action se déploie en moins de 48 heures scandées par de fréquents retours en arrière. Immersion hyperréaliste dans un monde dur, violent, passablement désespéré et désespérant. Mais pas sans issue puisque l’auteur, qui a été toxico pendant vingt ans, en est sorti. Et si le style, peu dialogué, est en phase avec le propos, l’auteur n’abuse pas de ces mots et tournures de phrases censées représenter une certaine jeunesse actuelle, comme trop souvent dans ce type de littérature. (Série noire)

 

RagougneauAlexis Ragougneau, La Madone de Notre-Dame

Comme décor de son premier roman, cet auteur de théâtre a fait fort: c’est en effet dans le déambulatoire de Notre-Dame de Paris, le lendemain du 15 août, donc de l’Assomption de Marie, la journée «la plus compliquée» de l’année, qu’une belle jeune fille très court vêtue (dite «alerte à la bombe» dans le jargon interne) a été retrouvée morte. Le commandant Landard et son acolyte Gombrowicz apprennent de la bouche du surveillant qu’un jeune type l’a violemment extraite du cortège la veille – où il faut dire qu’elle ne passait pas inaperçue –tout en la menaçant. Le substitut du procureur, une jeune femme mignonne mais glaçante, a un coupable tout trouvé. Mais ce n’est pas l’avis de tous, et certainement pas du policier qui prend l’affaire sous un autre angle. Il a raison: c’est ailleurs, là où on s’attend le moins, qu’il faut chercher. Une enquête rondement menée, avec ce qu’il faut de révélations et de suspense. (Viviane Hamy)

 

DelperdangePatrick Delperdange, Patrick Delperdange est un sale type

Patrick Delperdange, le narrateur du nouveau livre de son homonyme, auteur de romans policiers, se voit engagé par un certain Barnabé Rudge pour… Pour quoi au juste? Il n’en sait rien. Ni pourquoi l’étrange bonhomme lui a offert une Porsche où il a trouvé une carte Visa Gold et… un révolver. Ce qui ne le rassure guère sur ce qu’on attend de lui. Et il ne peut même pas demander d’amples informations à cet étrange commanditaire, il tombe sans arrêt sur sa boîte vocale. Il hésite d’autant plus à accepter cette mission sans objet qu’il apparaît que, sous un autre nom, l’individu fricote avec une amie de sa femme. Quel embrouillamini! De fil en aiguille, au bras d’une belle Black, il se retrouve dans une histoire dont il est loin de titrer la moindre ficelle. Ce polar de l’auteur du Chant des gorges (Rossel 2005) fait partie des quatre premiers et brefs romans imprimés sur papier par OnLit, un éditeur bruxellois qui s’est fait une place dans le numérique depuis 2006. (OnLit Books).

 

MonfilsNadine Monfils, Mémé goes to Hollywood

Où l’on retrouve Mémé Cornemuse, rencontrée déjà dans Les vacances d’un serial killer et l’an dernier dans le foutraque La vieille qui voulait tuer le bon Dieu. Plus de casse de bijouterie, ici, la vieille dame indigne s’est fixé un autre objectif: rencontrer son idole, Jean-Claude Van Damme, dans la Mecque du cinéma où il tourne un film avec Stallone. Riche des économies de la famille qui l’avait si généreusement adoptée, «le cœur léger et la conscience tranquille,» elle prend la route à bord d’une camionnette transformée en fritkot. Au Havre, elle embarque non sans mal sur un ferry qui ne prend pas la direction escomptée. Et en plus, Mémé apprend que JCVD s’est fait kidnapper lors de son séjour en Belgique. Son sang ne fait qu’un tour et la voilà sur la piste de celui qu’elle pense épouser. La plus belge des Montmartroises, auteure des enquêtes du commissaire Léon, signe un polar parodique et déjanté où rien n’est pris au sérieux. (Belfond)

 

 

RussonÉric Russon, Crispations

Pendant que, dans un appartement, un jeune couple qui s’est rencontré quelques heures plus tôt fait l’amour, quatre étages plus haut, une famille s’apprête à poser en direct des questions au président de la République dans à une nouvelle émission télé. Mais l’équipe venue l’interroger se trompe d’étage et c’est le drame. D’autant plus que la fille qui apparaît nue à l’écran dans une position intime n’est pas n’importe qui. Coup monté? Complot? Cabale? Le chef d’ l’État fulmine. Le début du premier roman d’Éric Russon est particulièrement réussi. Et on n’est pas déçu par la suite qui, empruntant différentes pistes et multipliant les mystères, ne lâche plus le lecteur. Il sera question de la fille du président, d’une actrice en plein tournage et de sa sœur à qui elle n’a plus parlé depuis huit ans, d’un paparazzi animé par une soif de revanche et d’un torchon people, d’une dangereuse Organisation aux visées politiques, etc. Dans un style solide, travaillé, subtil, le journaliste belge, animateur de l’émission culturelle quotidienne 50 degrés nord, mène son livre tambour-battant, connaissant bien son monde politique et médiatique et saupoudrant le tout d’un humour souvent savoureux, tant dans la description des situations mises en scène que dans les dialogues aussi réalistes que justes. (Lamiroy)

 

LejeuneBlandine Lejeune, Dernier tango à Lille

Ravet-Anceau, éditeur spécialisé dans les répertoires, cartes et plans, a créé en 2005 une collection de romans policiers, Polars en Nord, qui compte aujourd’hui quelque cent cinquante titres. Et la qualité est au rendez-vous, révélant que le Nord et la Picardie possèdent un grand nombre de bonnes plumes policières. Parmi celles-ci figure Blandine Lejeune. Après un premier roman riche en surprises et judicieusement construit, Embrouilles lilloises, l’avocate pénaliste récidive avec ce Dernier tango à Lille tout aussi abouti. On y retrouve le commissaire Boulard enquêtant sur l’assassinat d’un psychanalyste amateur de femmes et de tango argentin. Il ne croit pas, contrairement aux apparences, que le coupable est son plus ancien patient psychiquement traumatisé par un drame subi enfant. Ne serait-ce pas plutôt vers l’une des femmes dont le nom, hier ou aujourd’hui, pour le meilleur ou pour le pire, est lié au sexagénaire qu’il lui faut diriger ses investigations? Une surprenante enquête racontée avec doigté et humour. (Ravet-Anceau)

 

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