Les écrivains ULg ont du talent ! Sorties de presse

Depuis de nombreuses années, la littérature belge francophone est brillamment alimentée par des anciens étudiants et des chercheurs de l’Université de Liège. Passage en revue des parutions récentes de douze d’entre eux.

 

Line-Alexandre-couvLine Alexandre, Ça ressemble à de l’amour (Luce Wilquin)

AlexandreLineAprès deux très bons romans, Petites pratiques de la mort (2008, Grand Miroir/Luc Pire) et Mère de l’année! (Luce Wilquin), Line Alexandre, qui vit à Liège, propose son premier recueil de nouvelles. Cette quinzaine de textes sont autant de flashs sur des existences diverses que, le plus souvent, un élément vient subtilement désaxer: un moment suspendu lors d’un accident de voiture par une fable que raconte un jeune Noir à une petite fille; un orage renvoyant le narrateur à l’ivresse qui rendait son père agressif lorsqu’il était enfant; une fillette refusant de ramasser une pelote de laine, subjuguée par une corrida diffusée à la télévision; une jeune femme en vacances qui voudrait ne pas devoir revenir auprès de sa mère souffrante. C’est généralement à des femmes que l’auteure donne la parole. Parfois elles sont jalouses, telle celle, abandonnée par son compagnon, qui suit sa rivale au fil d’un étrange jeu de piste ou l’élève qui voit sa composition sur Mai 68 perturbée par une nouvelle. On voit aussi défiler en accéléré la vie d’une femme qui a épousé le frère de sa meilleure amie. Et l’on découvre comment une accroc au Net achète aux enchères, sous le pseudo de Rimbaud 367, la reproduction miniature du navire de ses rêves. Ni coups de théâtre, ni chutes surprenantes, ici, simplement des moments de vie mis en scène avec doigté.

 

 

Nicolas Ancion couv1Nicolas Ancion, Les ours n’ont pas de problème de parking suivi de Le Dortoir. (Espace Nord) et New York, 24 heures chrono (Les éditions Didier)

Ancion Nicolas@Laetizia BazzoniParti s’installer il y a quelques années dans les environs de Carcassonne pour y vivre de sa plume, le Liégeois Nicolas Ancion publie régulièrement en Belgique et en France des textes en tous genres, romans ou nouvelles, poésie ou théâtre, pour adultes ou pour ados, sur papier ou directement en numérique. Le point commun entre tous ces écrits, c’est leur fantaisie qui revêt souvent un côté surréaliste. Les deux recueils que vient de rééditer en un même volume Espace Nord en sont une parfaite illustration. Les ours n’ont pas de problème de parking, édité en 2001 au Grand Miroir, s’ouvre par une nouvelle en phase avec son époque: l’auteur de L’homme qui valait 35 milliards donne à Marc Dutroux un homonyme qui, de surcroît lui, ressemble et il imagine la vie d’enfer à laquelle est condamné ce pauvre type. Dans le recueil, il est également question d’une peluche bien décidée à venger un téléphone rouge à roulette explosé par un fer à repasser, de deux braqueurs d’opérette, d’une ourse en peluche refusant d’abandonner au chat sa place dans le lit conjugal, d’un Truc déguisé en Père Noël, etc. «L’humour et le jeu (…) ne sont pas gratuits, écrit dans la postface Denis Saint-Amand (chercheur au FNRS et à l’ULg): ils s’articulent toujours à une réflexion, volontiers ironique et quelque fois grinçante, semblable à celle qu’on trouvait dans les œuvres de Vian, Queneau et autres Prévert, autant d’auteurs capables d’intégrer la cruauté et le rire le plus noir à une vision naïve du monde pour mieux pointer les disfonctionnements de ce dernier.»

Ancion2Ces considérations conviennent parfaitement au Dortoir, paru en 2004 au Fram. Ces courts textes fantastiques renvoient en effet aux univers des auteurs de L’Ecume des jours, d’Exercice de style ou d’En sortant de l’école. Le lecteur pénètre dans une sorte d’internat absurde et surréaliste, l’auteur réitérant en outre son goût affirmé pour les jeux sur les mots et leurs sonorités. Par exemple, dans une salle de classe composée de «trois à quatre mille bancs dans chaque rangée, trois cents tableaux noirs ou verts», «les activités les plus courantes étaient la pêche, l’exploration sous-marine et l’élevage de bonsaïs». Ailleurs, un mousquetaire dort avec sa famille dans une porte en jetant «des livres mous à la tête des vieilles dames». Dans la salle aux mots, il faut entrer en rampant sauf à risquer d’attraper «une onomatopée dans les dents» ou à se prendre «les pieds dans un sens caché».

Nicolas Ancion se plaît aussi à détourner le genre policier comme il le montre de belle manière dans New-York, 24 heures chrono. Ce court roman, qu’il a écrit l’an dernier en vingt-quatre heures dans la métropole américaine, a d’abord paru en version numérique chez e-Fractions avant d’être publié aujourd’hui dans une collection papier, «Mondes en VF», destinée à l’enseignement de la littérature en classe de FLE (français langue étrangère) par des ateliers d’écriture. Célibataire, amateur de vieux livres et de course à pied le long des remparts de Carcassonne, Miguel reçoit un jour une étrange lettre: son grand-père espagnol, qu’il n’a pas connu, son père, aujourd’hui mort, étant fâché avec lui, lui lègue sa maison et sa fortune. À une condition: il doit retrouver sa cousine et, avant un mois, se présenter avec elle chez son notaire à Barcelone. Internet lui permet de prendre contact avec la jeune femme installée à New York et le voici débarquant pour la première fois aux États-Unis. Mais tout ne va pas se dérouler comme il l’imaginait.

 

Bologne-couvJean-Claude Bologne, Fermé pour cause d’Apocalypse (Pascal Galodé éditeurs)

Jean-Claude BologneC’est un univers totalement décalé que met en scène avec amusement et intelligence Jean-Claude Bologne dans cette fable burlesque à portée métaphysique. Ancien communiste, Léon-Joseph Massoulat se retrouve devant les portes de l’Enfer sans avoir le moindre souvenir de sa mort. À peine entré, il s’inquiète de l’état de vétusté et d’insalubrité de ce lieu qui, pense-t-il, «n’existe pas» et où il estime injuste d’avoir été envoyé. Comment peut-on tolérer un tel état de délabrement et un non-respect aussi flagrant des normes de sécurité les plus élémentaires! Même les conditions d’accès aux handicapés ne sont pas garanties! D’un tel endroit, sur Terre, il aurait exigé la prompte fermeture. Mais en Enfer, comme lui apprend son premier interlocuteur, le moustachu brigadier Cattiminus assis devant son ordinateur, personne ne s’inquiète de ces défaillances. Le pauvre homme va de déconvenues en déconvenues. Par exemple, sa chute dans un débris de vitraux, après avoir trébuché sur un pavé descellé, ne semble pas émouvoir grand monde. Pas même le docteur Ménofauste qui ne comprend pas pourquoi sa sécurité devrait être protégée. Au fil de ses déambulations et rencontres, le défunt s’aperçoit être dans de sales draps. Et ses recours contre «l’erreur judiciaire» dont il se dit être victime ne s’annoncent pas sous d’excellents auspices: comment en effet pourrait-il être innocenté d’une chose dont il ne se reconnaît pas coupable? Mais le bonhomme est obstiné, comme vont s’en rendre compte les habitants infernaux. Jusqu’au Patron lui-même qui envisage pourtant de siffler la fin du monde.

 

 

Dantinne couvAlain Dantinne, La Promesse d’Almache (Weyrich, Plumes du Coq)

Alain DantinneProfesseur de lettres et de philosophie, Alain Dantinne est l’auteur d’une œuvre variée composée de poèmes et de carnets de voyages, d’un essai sur la littérature industrielle et d’un pastiche d’Amélie Nothomb (Hygiène de l’intestin). La promesse d’Almache est son premier roman. À la mort de Pierre, Arthur apprend qu’il hérite de l’ancienne hostellerie d’Almache que le défunt et sa compagne, Dydie, sa propre tante dont il était devenu le confident, avait investie plusieurs années auparavant. Autour de cet axe, le roman s’articule sur deux temps: l’avant et l’après. Sont ainsi racontés la naissance du couple, ses incessants voyages, l’achat, sur les hauteurs de Bouillon, de la vieille demeure qui, après avoir «fait le plein» d’amis les week-ends, a fini par se vider, Dydie y traînant seule son ennui, délaissée par Pierre, homme d’affaires «bon vivant» et «fêtard» qui passe ses semaines à Bruxelles. À ces évocations du passé succèdent le récit du futur, ce temps où Arthur vient quand il le peut dans la maison que sa tante continue à partiellement l’occuper, vieillissant devant ses mots croisés dans un fauteuil voltaire. Au fil de ses visites, le jeune homme se rend compte de légers changements, d’étranges disparitions, ébranlant sa confiance, pourtant solide, en la vieille dame.

 

 

DemoulinLaurent Demoulin, Palimpseste insistant (Tétras Lyre)

005© Michel Houet Ulg - Laurent Demoulin«Je n’aime ni les pastiches (ni les postfaces)», affirme Laurent Demoulin en titre de la cinquième et dernière partie de son livre aux allures de… postface. «Ce que je n’aime pas dans les pastiches, c’est la méchanceté gratuite de la plupart d’entre eux», prévient-il d’emblée, se demandant à bon escient pourquoi passer du temps à lire et copier quelqu’un qu’on n’aime pas. «Aussi, ajoute-t-il, ce livre ne contient-il que des exercices d’admiration – souriants, mais pas moqueurs.» Son admiration, l’universitaire liégeois la témoigne sous la forme soit d’«hommages par anticipation» (mélange entre un texte ancien et un plus récent), soit de transformations de type oulipien (mise en alexandrins d’un texte en prose), soit de «parodies de pastiches» (entre parodies et imitations). Le résultat est aussi surprenant qu’enthousiasmant, l’auteur recréant des poèmes qui sont autant de merveilles de finesse et de bonheurs de lecture. Les hommages de Villon à Vian («Frères humains qui après Vian vivez»), de Lafontaine à Ponge, de Rimbaud à Beckett, de Molière à Sarraute, d’Apollinaire à Jean-Philippe Toussaint ou le lipogramme en X imaginé par Mallarmé pour Perec ne manquent ni de justesse, ni d’humour. De même, sont intellectuellement stimulants les transpositions en alexandrins d’un extrait de La Salle de bain de Toussaint, d’une réflexion de Lacan sur la mort, d’un texte de Bourdieu, d’un extrait du dialogue de La Maman et la Putain de Jean Eustache ou d’un dialogue de Corto Maltese (on notera la remarquable diversité de ses sources d’inspiration). Ou encore les textes inspirés de Michaux, Roegiers, Savitzkaya, Caroline Lamarche ou Jacques Izoard, fruits d’un long compagnonnage avec ces auteurs.

 

 

Dumont couvAgnès Dumont, Mola mola (Quadrature)

DumontAgnès Dumont, professeure de français à Liège, publie son troisième recueil de nouvelles après les excellents Demain, je franchis la frontière et J’ai fait mieux depuis. Les titres des douze textes qui le composent sont des noms de personnes – souvent en décalage par rapport à l’histoire elle-même –, à l’exception du mola mola, un poisson-lune présent dans la dernière nouvelle qui donne au livre son intitulé. Sans être à proprement parler conceptuel, ce volume, dont les personnages sont en majorité âgés, est traversé de fils rouges: des voix intérieures, que les histoires soient écrites à la première ou à la troisième personne, des bilans de vies ou un certain recul face aux événements, ce qu’un âge avancé autorise plus aisément. Le tout parfois saupoudré d’humour. Dans Jeanne – pour Moreau –, la parole sociable et polie de l’héroïne s’oppose à sa pensée, critique et mordante; dans JR, une octogénaire cleptomane à ses heures se fait appeler par les initiales de son prénom – Jeanne-Rose - en souvenir d’un célèbre héros de feuilleton; ou dans Bruno – pour Cremer –, une passionnée de cinéma apprend la mort de l’acteur dont elle est fan en Maigret. Tarzan est le surnom que donne la narratrice – ajoutant «en toc» – à son collègue professeur qui la ramène chez elle lors des grèves de bus. Quant à Julia – pour Roberts -, Stéphane admire, à 78 ans, son combat contre la pollution tout en peinant à différencier ses petites-filles – Manon ou Mona? Écrites avec recherche, ces nouvelles intriguent le lecteur dès les premières lignes, l’emmenant vers une chute qui, sans être un coup de théâtre, les referment habilement.

 

 

FrançoisRose-Marie François, Trèfle incarnat (Le Cormier)

Michel Houet Ulg -RM FrançoisLa poétesse Rose-Marie François, auteure de nombreux recueils plusieurs fois primés et traduits dans une douzaine de langues, également traductrice de poètes autrichiens et auteure de la première anthologie bilingue letton-français de poésie lettone, témoigne des émotions que lui procurent la peinture de Francis Bacon et de Paul Klee à travers quarante poèmes, deux fois vingt. Les œuvres choisies traversent les parcours des deux artistes, des années 1950 aux années 1970 chez le peintre britannique, du lendemain de la Première Guerre mondiale à la veille de la suivante chez l’Allemand. Les tableaux, Rose-Marie François les évoque davantage qu’elle ne les décrit, ou alors à demi-mot, préférant dire ce que leur composition fait naître en elle. Elle le fait dans des vers libres, sans régularité ni dans la métrique, ni dans les rimes, parfois sous un mode imagé, n’hésitant pas, si nécessaire, à interpeller l’artiste – «Ta semelle écrase un temps/de fourmi» (Trois études de Lucian Freud, Bacon). Préface de Philippe Jones.

 

 

Gheur couvBernard Gheur, Un jardin dans la rocheuses (Weyrich, Plumes du Coq)

bernard gheurLes fidèles lecteurs de Bernard Gheur se retrouveront en terrain familier avec ce livre formé d’un long texte autobiographique, La Chambre indienne, qui est en fait la réécriture de Retour à Calgary paru en 1985, et d’un très court journal de voyage, Vrai retour à Calgary. La Chambre indienne est à la fois un très beau récit d’enfance et une enquête généalogique dont les héros sont les grands-parents du narrateur/auteur. Celui-ci se souvient des journées passées enfant, avec son frère Jean-Paul, chez sa grand-mère veuve qui habite à quelques arrêts de bus de chez lui, dans le quartier liégeois de Coronmeuse. De leurs jeux dans la «brousse», le terrain vague s’étendant devant la maison. Il se souvient aussi de sa grand-tante Jeanne et de son grand-oncle Eugène. Et, surtout, de «la chambre indienne», pièce décorée de vestiges d’un monde, celui des Indiens d’Amérique, qui l’intrigue follement. Ses grands-parents, découvrira-t-il plus tard, ont en effet vécu au début du siècle au Canada où son père est né en 1912 et où son grand-père, ingénieur des mines de charbon, est mort quelques années plus tard. Grâce aux lettres et photos retrouvées dans la malle verte du grenier et aux mémoires de l’homme d’affaire Martin Nordegg qui fut proche d’Ernest Gheur, son petit-fils reconstruit leur histoire à la fois magnifique et tragique. Bien plus tard, devenu à son tour grand-père, il se rendra à Calgary, tentant – vainement – de retrouver la tombe de son aïeul mythique.

 

 

Job-couvArmel Job, Dans la gueule de la bête (Robert Laffont)

JobVenu tard à la littérature – à 52 ans -, ancien prof de latin et de grec et chef d’établissement à Bastogne, Armel Job s’est imposé de livres en livres comme l’un des écrivains majeurs en Belgique francophone. Servies par des personnages forts, ses intrigues sont riches d’une densité et d’une profondeur humaines, mais aussi sociales et historiques, pas si fréquentes en littérature. Son nouveau roman, Dans la gueule de la bête, a pour décor une ville qu’il connaît bien, Liège, pendant la Seconde Guerre mondiale. Une fois par semaine, à La Miséricorde, un établissement tenu par des bonnes sœurs où elle est pensionnaire, Annette reçoit la visite de ses parrain et marraine. En réalité, elle s’appelle Hannah et ce sont ses parents juifs, bravant mille dangers, qui viennent la voir. Lui loge dans une mansarde rue Sainte-Marguerite chez une veuve dont la fille, Angèle, se montre suspicieuse à son égard. Sa femme, Fannia, s’occupe des enfants d’un notaire depuis la mort de leur grand-mère. Elle y a été placée, dissimulée sous le nom de Nicole, par le réseau catholique. Chacun se méfie de chacun, les espions et délateurs courent les rues. Jean, le nouvel amoureux d’Angèle, est-il sincère quand il affirme que la propriétaire du logement qui pourrait accueillir leur amour demande1500 francs de caution? Et Laja, la sœur de Fannia qui vit à Seraing avec son mari, n’a-t-elle pas été imprudente en voulant revoir la chapellerie familiale près de la rue Grétry? Elle a en effet l’impression d’avoir été suivie. Sur ce terreau qui renvoie à des heures sombres, l’auteur des Fausses innocences a construit un roman fort et prenant.

 

 

Lamarche-couv2Caroline Lamarche, Mira (Les Impressions Nouvelles) et La mémoire de l’air (Gallimard)

LAMARCHEQuasi simultanément, Caroline Lamarche a publié deux livres, un roman en trois parties, Mira, et un récit dont la nature n’est pas spécifiée, La mémoire de l’air. Mira commence par La Barbière, une brève histoire parue en 2007 avec des illustrations de Charlotte Mollet. Dans le quartier des usines d’une ville épargnée par la guerre toute proche, une barbière se livre à d’étranges rituels. Survient un étranger nommé Dragon qui va totalement perturber la vie qu’elle mène avec la narratrice, Mira.

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Qui, dans la seconde histoire, séjourne sur une île. Elle travaille chez un boulanger, pour qui elle réalise des pains de plus en plus originaux, et s’éprend de l’homme qui lui a loué un vélo avec lequel elle longe les falaises. Dans Le Futur, enfin, la jeune femme se retrouve dans un troisième lieu sinon clos, du moins à l’écart du monde, une petite station de ski. Elle vit dans une famille dont la fille a un petit ami surnommé Le Futur. Elle recherche en réalité les ossements de son frère mort à la guerre et dont il était question dans La Barbière. La romancière excelle dans la mise en scène de rapports humains troubles, de situations étranges, de sentiments flous, ce que La mémoire de l’air, récit de la relation de la narratrice avec celui qu’elle nomme Davant, ne dément pas. Suite au rêve d’une morte de son âge mais dont le visage est le sien vingt ans auparavant, la jeune femme revoit les sept années passées avec celui pour qui elle était «la femme de sa vie». Une relation confuse où elle fut à la fois, selon ses dires, Persécutée et Persécutrice. Une difficulté – impossibilité? – de vivre avec un homme qui trouve son explication dans une scène ancienne révélée la fin du livre.

 

 

Logist couvKarel Logist, Dés d’enfance et autres textes (Espace Nord)

logistCette réédition est formée de deux recueils poétiques, Le Séismographe, son premier paru en 1988 aux Éperonniers, et Alexandre Costa Palamas, sorti huit ans plus tard chez le même éditeur, précédés du seul texte en prose de Karel Logist, Dés d’enfance, qu’il a publié en 1997 chez Luce Wilquin le pseudonyme de Gilles Korta. Ce livre, écrit Gérald Purnelle dans la postface, est «tout autre chose qu’une excursion anecdotique et anodine hors de la poésie». Il marque au contraire «une étape importante»  dans le parcours d’un homme qui incarne «une certaine figure du poète». L’enjeu du projet, construit comme un «trompe-l’œil» (il est introduit par un avant-propos signé Logist), est, note Purnelle, «une expérimentation sur la confrontation de la mémoire et de la littérature, en un partage qui se voudrait équilibré». Sans le moindre souci chronologique, l’auteur né à Spa en 1962 laisse surgir «aléatoirement» ses souvenirs. Il n’entame pas son récit par sa naissance – celle-ci, bousculant «sans égard un immuable rituel de la tradition familiale: le Café de Seize Heures», n’arrive qu’après quelques pages – mais bien avec son père qui, chaque soir, bat le rappel des multiples animaux domestiques. C’est donc par bribes que celui qui constate (déplore?) avoir «eu une enfance pluvieuse dans une ville d’eaux» égrène des moments de son enfance: les balades dominicales au lac ou dans les bois, la boulangère dont il manquait un doigt, des voyages en train, un voisin bricoleur irascible et ayant la phobie des Chinois… Parfois, l’imagination vient s’immiscer dans ces souvenirs, par exemple lorsqu’il est question des «isoloirs» que construit son père, transformant la maison en un labyrinthe. Et c’est en classant l’imposante bibliothèque familiale, sous la contrainte, que l’enfant connaît ses «premiers élans d’enthousiasme» littéraires, se prenant à rêver d’un monde jusqu’alors inconnu des lui.

 

 

Saenen couvFrédéric Saenen, Stay behind (Weyrich, Plumes du Coq)

fred saenenAu cours des années 1980, la Belgique a été secouée par les Tueurs du Brabant qui, dans plusieurs supermarchés de la périphérie bruxelloise, ont perpétré des crimes sanglants et sans motivations apparentes. Ces événements, ainsi des rumeurs de «parties fines» organisées par des hommes politiques et hommes d’affaires belges dans lesquelles étaient impliqués des adolescents, servent de toile de fond au deuxième roman de Frédéric Saenen publié chez Weyrich. En 2016, un homme proche de la mort confie à Mickaël, son filleul qu’il a élevé suite à la mort de ses parents, que Ronald Reagan, c’était lui. C’est effectivement affublés de ce masque ou de celui de Mitterrand que des hommes sont semé la terreur une trentaine d’années auparavant. À partir de ce point de départ, mêlant les époques, le Liégeois ravive les années sombres qu’a connues son pays, conduisant le lecteur vers un dénouement aussi inattendu.

 

 

 

 

 

 

Michel Paquot
Mai  2014

 

 

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant