Michel Bussi, Code Lupin et Nymphéas Noirs
Et si les aventures d’Arsène Lupin étaient un Da Vinci Code normand? C’est la réflexion que s’est faite Michel Bussi en voyant de nombreux touristes suivre les traces romaines et vaticanes du best-seller de Dan Brown. S’appuyant sur des cartes détaillées de la région et sur une fine connaissance des histoires dont il était enfant un fervent lecteur, celui qui enseigne la géographie l’université de Rouan a imaginé deux héros, un universitaire nommé Roland Bergton et une jeune étudiante sexy, tentant de résoudre le cryptogramme qui, dans L’Aiguille creuse, l’un des plus célèbres épisodes de la série, est censé révéler le secret des rois de France. Paru en 2007, sans cesse réédité depuis, Code Lupin entraîne avec jubilation le lecteur dans le périmètre haut-normand arpenté par le gentleman cambrioleur. (Editions des Falaises)
Couronné en 2011 par la Plume de Cristal du Festival de Film policier de Liège, Nymphéas noirs est une excellente intrigue policière dont le cadre est le village de Giverny. Le corps d’un notable local, un ophtalmologue parisien amateur de femmes, est retrouvé dans la rivière qui longe l’ancienne propriété de Claude Monet devenue la principale attraction touristique de l’endroit. L’enquête est racontée sous des angles différents, et notamment par une dame de 84 ans qui habite le moulin limitrophe. Et qui connaît tout sur tout le monde. Deux autres femmes interviennent, la jeune et belle institutrice et une fillette douée en dessin. Tout en portant un regard critique sur un site devenu un «parc d’attraction», le futur auteur du best-seller Un avion sans elle s’en fait un parfait guide touristique. (Pocket)
Odile Bouhier, De mal à personne
Créateur du premier laboratoire de police scientifique du monde, Edmond Locard a théorisé le «principe de l’échange» qui consiste, pour le meurtrier, à abandonner des indices sur place et à en emporter avec lui, aussi infimes soient-ils. Après Le Sang des Bistanclaques paru en 2011, De mal à personne voit le commissaire Kolvair découvrir le monde des maisons de correction pour enfants aux allures de bagnes. C’est dans une colonie pénitentiaire particulièrement sévère, celle de Mettray près de Tours, qu’est envoyé l’assassin supposé d’un riche industriel. Mais l’enquêteur doute de cette version officielle soutenue par le procureur. Aidé par un jeune juge et par une aliéniste dont il est amoureux, il découvre que la victime abusait de son personnel féminin, avec les conséquences prévisibles. Pendant ce temps, la capitale des Gaules s’apprête à être le théâtre d’une exécution publique que l’inspecteur Legone, une gueule cassée membre des Brigades du Tigre et passionné de cinéma, s’apprête à filmer. Mais que le journaliste Armand Letoureur dénonce dans les pages du Progrès. Les romans d’Odile Bouhier dressent ainsi le portrait d’une France meurtrie par la Première Guerre mondiale. Derrière l’image des années folles, perce ainsi une société «bancale». (10/18)
Claude Izner, Le dragon du Trocadéro
1900. En pleine exposition universelle, plusieurs corps, dont celui d’un Japonais, sont retrouvés avec une flèche en plein cœur. Victor Legris, le libraire parisien, rencontre une vieille connaissance et quelques individus se cachant sous une fausse identité. En secret de sa femme et de son associé, qui est aussi son père adoptif, il revêt une nouvelle fois son costume de détective, toujours épaulé par son commis féru d’enquêtes policières. Ce douzième épisode clôt une série qui, entamée avec Mystère rue des Saints-Pères qui se déroulait lors de la construction de la Tour Eiffel onze ans plus tôt, couvre la dernière décennie du XIXe siècle. Ces livres écrits avec gouaille, utilisant des mots et expressions de cette époque, sont signés Claude Izner, nom derrière lequel se dissimulent deux sœurs, dont l’un est bouquiniste sur les quais parisiens. (10/18)
Gyles Brandreth, Le mystère de Reading
C’est par passion pour Oscar Wilde que l’Anglais Gyles Brandreth en a fait le héros de ses romans. Dans ce sixième tome, il lui fait raconter, à un étranger rencontré à Dieppe où il s’est réfugié, ses deux ans d’emprisonnement pour homosexualité au pénitencier de Reading entre 1895 et 1897. Deux années d’isolement absolu où il dépérit, seulement sauvées par ses brefs contacts avec son gardien et le médecin ou avec ses voisins de cellule. Et où il mène une enquête, seul crochet romanesque, finalement assez secondaire, dans cet épisode le plus proche de la réalité. L’auteur du Portrait de Dorian Gray n’a plus que trois ans à vivre. (10/18)
Arni Thorarinsson, L’Ange du matin
Le héros de L’Ange du matin est un journaliste enquêtant sur la disparition d’une petite fille au moment où une postière sourde est retrouvée morte. En plus de tenter de démêler une affaire particulièrement complexe, il doit «affronter» un commissaire qui le déteste. Cette intrigue très bien menée éclaire d’une lumière sombre l’Islande, un pays mal en point au lendemain de la crise financière qui a entraîné la ruine de ses responsables, les nouveaux Vikings. Comme souvent dans le polar nordique, un intérêt particulier est porté à la psychologie des personnages. (Points)
Camilla Läckberg, L’Oiseau de mauvais augure
Sortie de sa dépression postnatale, Erika accueille chez elle sa sœur Anna et s’apprête à épouser Patrick, inspecteur confronté à deux morts suspectes. Celle, dans un accident de voiture, d’une femme avec un fort degré d’alcoolémie, elle qui ne buvait jamais. Et celle d’une participante à un jeu de téléréalité qui se déroule dans la ville. Double suspense, courts chapitres alternés, final surprenant: les lecteurs de la jeune Suédoise (née en 1974) se retrouvent en terrain familier. Quant à l’oiseau du titre, il intervient entre les chapitres dans des textes mystérieux et obscurs qui désorientent quelque peu le lecteur. C’est la lecture de l’ultime texte qui donne son sens à l’ensemble. (Babel Noir)
Liad Shoham, Tel Aviv suspects
L’unique sujet de Liad Shoham, avocat en droits commercial, tant dans ses nouvelles (non traduites en français) que dans ses polars (seuls les deux derniers ont été traduits sur les six écrits), c’est la dynamique cité côtière où il vit et qu’il aime. Et dont il pointe les défauts et failles. Tel-Aviv suspects s’ouvre sur le viol d’une jeune fille dans un quartier tranquille de la ville. Parallèlement à l’enquête policière, le père de la victime mène la sienne pour coincer le coupable. Et il en attrape un qui semble satisfaire tout le monde. L’affaire est donc bouclée. Mais pas pour le vieil inspecteur Névo qui a des doutes. Et se met à longuement interroger le présumé meurtrier. A travers cette intrigue, l’auteur dénonce les errements et abus de la police et de la justice. Et pour lui donner davantage de complexité, il multiplie les points de vue parfois antagonistes. (10/18)