Lectures 2014 - Poches - Romans étrangers

MendozaEduardo Mendoza, La grande embrouille

Dans l’hilarant L’Artiste pour dames paru en français en 2002, on découvrait Canuto, un ancien braqueur de banques libéré de l’asile où il est retenu depuis plusieurs années, devenir coiffeur pour dames et voler un dossier explosif à la demande d’une femme dont il ignorait tout. Ce personnage aussi désorientant que désorienté, dépourvu de clientèle, revient dans cette Grand embrouille qui porte bien son nom. Tombé sur un ancien compagnon de détention, le beau Romulo, qui, sitôt, disparaît, le voilà engageant une bande de bras cassés pour conduire son enquête dans Barcelone, décor habituel de l’auteur catalan: un mendiant albinos, un accordéoniste nostalgique de Staline, un filou grimé en statue sur les Ramblas, etc. Mélange d’absurde et de picaresque, ce nouveau roman de l’auteur de La Ville des prodiges est un feu d’artifice délirant qui a peu d’égal en littérature. (Trad. François Maspero. Points)

 

ZweigStefan Zweig, Voyage dans le passé

Récemment adapté au cinéma par Patrice Leconte sous le titre Une promesse, ce bref roman de l’auteur autrichien n’a paru en français qu’en 2009. Des années après leur séparation, un homme et une femme de retrouvent. Avant-guerre, Louis est tombé amoureux de la jeune épouse de son patron malade, riche directeur d’une grande usine de Francfort chez qui il est venu vivre. Mais il est envoyé au Mexique pour une mission de deux ans, les amoureux ne cessent de s’écrire. Suite au déclenchement de la Première Guerre mondiale, leur séparation se prolonge, amenant celui qui est devenu un prospère entrepreneur à fonder une famille. Sans jamais oublier, pourtant, son premier amour. Lors d’un voyage d’affaires en Allemagne, c’est donc tout naturellement qu’il cherche à revoir celle qui, entretemps, est devenue veuve. L’auteur ne cesse de fouiller les moindres recoins de la conscience – ou de l’inconscient – de ses personnages, et d’abord de Louis dont nous adoptons le point de vue. Rarement, la littérature a fait montre d’une telle intelligence, d’une pareille perspicacité dans l’analyse des sentiments humains. Ce volume contient un autre court roman de Zweig, 24h de la vie d’une femme. (Trad. Pierre Malherbet. Pocket)

YiwuLiao Yiwu, Dans l’empire des ténèbres

Liao Yiwu raconte ses quarante-six mois de détention dans les prisons chinoises, jalonnés d’interrogatoires musclés, de tortures, de brutalités et humiliations diverses suite au poème Massacre et au film Requiem écrit et réalisé lors de la répression brutale de la place Tian’anmen en juin 1989. Avant ces événements, âgé d’une trentaine d’années, il menait insouciant une vie de bohême, écrivant des poèmes sans s’intéresser à la politique. Il ne lisait pas les journaux, refusait de signer des pétitions, était totalement déconnecté. Mais l’armée a envahi sa ville de Fulling et des amis arrivés de Pékin lui ont raconté ce qu’il s’y passait. Ils étaient furieux que le gouvernement soit capable de faire une chose pareille. Liao Yiwu a alors écrit le poème Massacre sous le coup de l’émotion, dans un état terrible de bouleversement intérieur. Puis a été arrêté. Il a mis quinze ans pour terminer Dans l’empire des ténèbres, implacable récit dont les autorités chinoises ont à deux reprises confisqué le manuscrit. Menacé de représailles, il a quitté clandestinement son pays en 2011 et vit aujourd’hui à Berlin. (10/18)

SaramagoJosé Saramago, Relevé de terre

Publié au Portugal en 1980,  ce roman n’a été traduit qu’en 2012 en français. A travers l’histoire de la famille Mau-Tempo, c’est une vaste page d’histoire de son pays, de la Première Guerre mondiale à la Révolution des Œillets en 1974, que déploie José Saramago (1922-2010) avec son écriture envoutante, très singulière, mélange d’épique, de poésie et d’humour. A travers les destins de Domingo, Joao et Antonio qui, dans leur région aride du sud du pays, luttent pour survivre, il rend hommage aux laborieux, aux «gens de peu», qu’ils soient paysans ou artisans, tout en dénonçant les riches propriétaires qui les exploitent et l’Eglise qui les poussent à accepter leur désespérante situation, volonté divine. Ses personnages miséreux et opprimés, déshumanisés, le Prix Nobel de littérature en 1998 les intègrent dans un monde plus vaste, celui des légendes et contes anciens qui confèrent à son roman une dimension universelle. (Points)

 

WoolfVirginia Woolf, Romans, essais

L’impeccable collection Quarto Gallimard réédite en un seul volume les plus célèbres œuvres de Virginia Woolf publiées entre 1925 et 1938. Y figurent, précédés d’une longue chronologie illustrée, ses cinq grands romans, Mrs. Dalloway, Vers le phare, Orlando, Les Vagues et Les Années, mais aussi deux essais, Une chambre à soi et Trois guinées, ainsi que plusieurs textes consacrés à Jane Austen, Katherine Mansfield ou à des réponses à des critiques. Chaque œuvre est précédée d’extraits de son journal, ce qui nous permet de mieux comprendre son processus créatif et d’être les témoins de ses interrogations continues sur le sens et la valeur de ce qu’elle écrit. L’enthousiasme du début pouvant laisser la place, notamment lors de la relecture du texte à une forme de lassitude. Par exemple, commencé avec entrain - «(…) j’écris maintenant plus vite et plus librement qu’il m’a jamais été donné de le faire» -, Vers le phare devient un «fichu livre» qu’elle termine «en gémissant». «Il y a là comme un processus naturel, prolongé, plutôt douloureux et néanmoins palpitant, et dont on désire inexprimablement voir la fin.» (Quarto)


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