Le père du polar islandais, Arnaldur Indridason
Arnaldur Indridason

Auteur d'un roman noir par an depuis 1997,  ce journaliste nordique est devenu la figure tutélaire d'un genre minoritaire en Islande. Vient de paraître Hiver arctique, la cinquième enquête du commissaire Erlendur traduite en français.

En islandais, Erlendur veut dire « étranger ». Ce nom possède, chez le héros d'Arnaldur Indridason, de multiples sens. Le commissaire pessimiste et neurasthénique, qui se sent coupable de la disparition de son frère dans la montagne lorsqu'il avait dix ans, est étranger à lui-même et à une société dont il est, par son métier, un spectateur averti. Il l'est également à Reykjavik, qui n'est pas sa ville natale, et à ses enfants issus d'un mariage désastreux, une fille droguée et un fils alcoolique. Mais il fait également figure d'étranger au sein d'une littérature où le genre policier a été, jusqu'à ces dernières années, à la fois rare et déconsidéré.

photo © Olivier Roller - Éditions Métailié

Arnaldur Indridason est une véritable star chez lui et jouit d'une solide renommée internationale. Ses romans, d'une excellente tenue littéraire à en croire la traduction fluide d'Eric Boury, proposent des enquêtes passionnantes, et surprenantes dans leur évolution et leur résolution, qui se déroulent toutes sur le sol islandais. Elles viennent ainsi gratter le vernis d'un pays de 300 000 âmes régulièrement cité en exemple pour son avancement social et son développement économique (on a vu ce qu'il en était). Tout en mettant à jour des zones de son passé, comme dans La Femme en vert ou L'Homme du lac.

Par le biais d'un enfant thaïlandais retrouvé mort au bas de son immeuble, Hiver arctique, paru en 2005 et publié ces jours-ci chez Métailié, soulève un autre voile pudiquement posé sur la réalité de l'île : la présence d'immigrés parfois mal acceptés. Ces étrangers, dont un bon nombre venu d'Extrême-Orient, ont été attirés par le « miracle économique » ou, comme dans cette enquête, amenés par des Islandais eux-mêmes. Avec ce livre, Indridason a reçu pour la troisième fois le Prix Clé de Verre couronnant le meilleur roman noir scandinave.

 

Indridason

Pourquoi avoir choisi le roman policier dans un pays où la criminalité n'existe pratiquement pas ?

L'Islande n'est pas un pays sans criminalité, il y a seulement un peu moins de crimes qu'ailleurs. Je voulais écrire des histoires passionnantes dans le genre policier parce que nous n'en avons pas beaucoup chez nous. C'est amusant de faire quelque chose de neuf et de différent. Et puis j'aime le mystère et les personnages. Tous mes romans sont guidés par eux. D'autre part, je pense qu'un écrivain a des choses à dire sur la société dans laquelle il vit ou sur son monde environnant et j'essaie de le faire à travers mes romans. Mais je ne sais pas précisément quelle image je donne de l'Islande, je me suis rarement voire jamais posé la question. J'écris juste ce que je veux, ce que je ressens.

Comment est né Erlendur? Et pourquoi est-il si pessimiste ?

Je voulais un détective qui soit très islandais et possède ses racines profondes dans la société islandaise, dans son histoire et sa culture dont il est, d'une certaine manière, le produit. Sa fille est en guerre contre lui, elle condamne ce qu'il est devenu. Les questions familiales sont très importantes dans mon travail car je  pense que la famille constitue le fondement même de nos vies. Erlendur est effectivement très pessimiste et je suis toujours en train d'essayer de comprendre pourquoi.

 

 

D'où viennent vos histoires ?

Ce sont de pures fictions  parfois inspirées de ce qui se passe en Islande. La Cité des Jarres, par exemple, parle des débats importants et difficiles que nous avons depuis des années au sujet de banques de données génétiques. Vous écrivez toujours sur la société dans laquelle vous vivez, sur ce qui vous est proche et vous intéresse.

Il n'y a pas beaucoup d'action dans vos livres, ce qui importe c'est l'atmosphère et l'épaisseur psychologique.des personnages.

C'est exact. Je n'ai aucun attrait pour la violence, sauf lorsqu'elle est absolument nécessaire comme dans La Femme en vert. Mes livres portent d'abord sur les personnages et sur les situations auxquelles ils sont confrontés. Et je regarde comment ils vont s'en sortir.

Dans Hiver arctique, vous parlez des immigrés en Islande. Sont-ils nombreux et ont-ils des problèmes d'intégration ?

Il y a environ huit pour cent d'immigrés et cela ne crée pas vraiment de problème. Nombre d'entre eux sont arrivés en Islande ces dernières années pour profiter du boom économique et s'y trouvent bien. Je pense que nous essayons de bien les accueillir en regardant de ce qui se passe chez nos voisins.

Pensez-vous qu'il existe des points communs entre les auteurs scandinaves de romans policiers ?

Je pense que la majorité d'entre eux parlent, dans leurs livres, de la société, avec des personnages comme vous et moi. C'est pour cette raison qu'ils sont si populaires. Aujourd'hui, davantage qu'avant, on veut du réalisme social dans le roman policier.

 

Michel Paquot
Mars 2009

 

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Michel Paquot est journaliste indépendant, spécialisé dans les domaines culturels et littéraires.

 

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