Les poèmes d'Ovide en exil

Traduire c’est choisir

Elle prend clairement parti dans le choix qui oppose traduction fidèle et infidèle : en ne cherchant pas à tout prix le rendu de chaque mot, chaque nuance, chaque lien logique, chaque détail, elle opte pour une traduction bien plus « littéraire » que « littérale », mais d’une façon à la fois novatrice, passionnante et convaincante.

Sa démarche se fonde avant tout sur une simplification bien mesurée. Il lui arrive fréquemment d’élaguer une phrase ou une expression, de supprimer quelques mots, des références culturelles, de trop grandes précisions ; la phrase latine, qui est souvent longue et complexe, est comme mise à plat, décomposée, adaptée à la langue française, mais aussi au langage poétique actuel. Souvent les liens logiques et syntaxiques du texte latin sont dissous et, grâce à la parataxe, restent suggérés, non explicites. La langue de Darrieussecq est plus simple et limpide que la syntaxe originale. Un exemple, comparé à la traduction littérale et philologique de Jacques André aux Belles Lettres (Tristes, 5,7) :

Scilicet, ut semper, quid agam, carissime, quaeris,
            Quamuis hoc uel me scire tacente potes :
Sum miser — haec breuis est nostrorum summa malorum —
            Quisquis et offenso Caesare uiuit, erit.

[J.A.] « Tu me demandes, en vérité, comme toujours, ami très cher, ce que je deviens, bien que tu puisses le savoir même quand je me tais : je suis malheureux – ce mot résume toutes mes misères – et tout homme qui vit après avoir offensé César le sera. »

[M.D.]

comme toujours tu me demandes des nouvelles
mon cher ami
je suis malheureux
c’est tout

tout homme qui a déplu à César le sera

Tout l’art de la traductrice-romancière est dans ce « c’est tout » et dans cette économie des moyens. Sous ce traitement, le texte gagne en clarté, mais surtout en intensité, ce qu’il « perd » en densité ou en complexité.

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